lundi 24 avril 2023

Une halte aux "Tombeaux des Califes", par Francis Carco (XXe s.)

source : Photoglob

"Loin d'Europe (...) tout revêt un sens, un caractère si pur, si simple, si proche du naturel, qu'on en reste charmé. Bien sûr : on a perdu la clef des mystères de la Vieille Égypte. Ne discutons pas : c'est un fait.
Reste à savoir si cette clef comportait autant de complications qu'on le dit. Pour l'Islam, elle ressemblerait plutôt à la baguette d'un magicien, car la vie et la mort n'y accumulent, entre elles, aucune sorte de secret. Et la preuve en est si formelle qu'à l'intérieur de la vaste nécropole où nous descendîmes de voiture, je découvrais des rues flanquées de réverbères et bordées de maisons et que, dans ces maisons, se trouvaient des jardins où les parents de ceux dont les dépouilles reposent entre ces murs, se réunissent à certaines fêtes comme si rien n'était changé.
- Nous sommes dans un cimetière, fit tranquillement observer mon compagnon. Chacune de ces constructions abrite une tombe. Regardez donc !
Je m'approchai d'une fenêtre dont les persiennes étaient closes et j'aperçus un patio décoré de plantes en pots, de lianes grimpantes. La lune brillait. Elle éclairait les cloisons de cette singulière demeure où il ne manquait guère, pour la croire habitée, que deux ou trois fauteuils d'osier devant la porte, une table et une lampe sur la table. La dorure d'un sépulcre, enrichi d'un verset du Coran, étincelait discrètement à la douce lumière qui le baignait.
- Comme c'est étrange ! dis-je à voix basse. Vous ne m'auriez pas prévenu, j'aurais pensé qu'on se couche tôt au Caire. (...)
- On enterre encore ici, comme autrefois, les possesseurs de ces petites maisons, m'apprit mon guide. Toutes appartiennent à d'anciennes familles. C'est un honneur d'avoir sa place aux Tombeaux des Califes, près de l'Émir Kébir, par exemple, ou du Sultan Barqouq, dont vous apercevez le mausolée qui date du XVe siècle. Vis-à-vis de sa sépulture, existent les tombes de ses femmes. À chaque extrémité de la façade, voyez ces minarets. Quelle grâce ils ont au clair de lune !

- En effet. Mais cette grande mosquée, m'informai-je, quel en est l'occupant ? 
- C'est la mosquée de Souleiman. Pourtant le monument le plus curieux, à mon avis..."

extrait de Heures d'Égypte, 1940, par Francis Carco (1886-1958), né François Carcopino-Tusoli, écrivain français, de l'Académie Goncourt, romancier, poète, journaliste, auteur de chansons

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