lundi 15 novembre 2021

L'originale et attachante beauté de l'Égypte, par Firmin Van den Bosch

On the Banks of the Nile, by Johann Jakob Frey (1813-1865)

"Pour avoir tant de fois cheminé à l'ombre des mausolées triangulaires des rois de Memphis ou sous les voûtes souveraines de ces lieux de prières pour géants que sont les temples de Karnak, de Louxor, d'Abydos et de Denderah, pour avoir contemplé tant de fois les obélisques dressant vers l'azur leur défi à la destruction, et pour m'être si souvent assis de longues heures, pendant les nuits d'améthyste, devant le masque camus et lunaire du Sphinx, j'ai compris que l'art des pharaons fut surtout un art de grandeur massive et de hautaine majesté et que le don qu'il fait est une sorte d'exaltation purement cérébrale devant ses appels solennels et tenaces à l'immortalité. 
"Pour que mon nom vive à jamais" a inscrit sur son obélisque, toujours debout parmi les vestiges de Karnak, la reine Hatassou, ambitieuse, rude et perverse pharaon-femme. Et ce sont ces mots que répètent à leur tour tous ces pylônes, toutes ces statues, toutes ces colonnes qui, depuis des millénaires, affirment, dans le néant du désert, la contemplation de la mort et la fièvre de la survivance.
Grand art, certes, mais qui ne parle qu'à l'intelligence, sans toucher le cœur.
C'est dans le mystère des vieilles mosquées qu'il faut chercher un aliment à la sensibilité et ces nuances d'art qui procurent de douces vibrations intérieures. L'art arabe est le visage songeur et apaisé de l'Islam et qui contraste si étrangement avec son autre visage de volonté farouche et têtue. Ici, tout est calme, paix, symphonie harmonieuse de couleurs, élégante simplicité de lignes, une beauté où rien n'écrase et qui est comme l'illustration du silence ponctué par le lent égouttement de la fontaine aux ablutions.
C'est à l'heure surtout où le mauve crépuscule descend sur la cité que cet art arabe revêt sa véritable faculté d'émotivité. C'est une chanson qui berce avec toute la douceur du nirvanâ. Il y a, épais dans l'air, un rêve sur lequel ne pèse pas l'impitoyable et dur ananké que dispense l'art pharaonique, mais une sorte de résignation très douce à la destinée.
L'art pharaonique commande aux intelligences ; l'art arabe s'incline, avec tant de grâce émue, vers les sensibilités.
Le pèlerin de Beauté est requis encore, en Égypte, par d'autres aspects. Et ceux-là relèvent plus directement de la vie journalière et ambiante, et, sous l'éclatant soleil et l'implacable azur, déroulent les pages d'un livre d'images du plus étincelant pittoresque...
Et ces images sont d'une telle qualité picturale qu'elles ont toujours déconcerté et découragé les transpositions de l'art.
Barques aux formes éternelles, tendant à la brise, sur les frisottis du Nil, leurs voiles triangulaires ; théorie de chameaux cheminant le long de la berge ocrée et détachant, en violent relief, sur la pourpre du couchant, une mouvante frise ; femmes du peuple, aux amples robes noires, descendant lentement vers le fleuve, la cruche à l'épaule, en des attitudes hiératiques de porteuses d'amphore ; cortège de notables, aux allures graves, et dont les riches galabiehs chantent, dans la triomphale lumière, l'hosanna de toutes les tonalités ; au fond ombreux des bazars, chauds miroitements des cuivres, reflets moirés des tapis, et ces marchands de parfums, assis derrière le comptoir comme des grands prêtres des "odeurs suaves", et, aux jours où la foule se rue vers la chimère, remous intenses de peuple qui charrient à la fois de la violence et de la couleur !
Au touriste qui, au pas de course, traverse l'Égypte d'Alexandrie à Assouan, si vous demandez, à son retour au foyer, la vision artistique qu'il a emportée, il vous parlera pêle-mêle d'un temple aux colonnes gigantesques se profilant en puissance sur l'or des sables, ou d'une mosquée aux architectures délicates baignant, dans une fraîcheur exquise, le chatoiement nacré ou azuré de ses arabesques.
Mais il lui échappera presque toujours qu'entre ces deux formes de Beauté il y a plus qu'une solution de continuité, une cassure nette due aux remous de l'Histoire.
L'art pharaonique est un art autochtone, né du sol même d'où il a surgi ; l'art arabe est un art importé et qui s'est, du reste, adapté et incorporé admirablement aux ambiances.
Mais aucun contact entre ces deux arts, aucun concept commun, aucune similitude d'inspiration, aucune ressemblance d'exécution.
Une grande tradition est morte, et une autre est née qui lui est totalement étrangère et qui n'a de fraternel avec elle que d'être autrement mais également belle.
Désordre ? Oui, un beau désordre, dû aux événements politiques, qui apparaît vraiment comme un "effet de l'art" et qui donne au visage esthétique de l'Égypte son originale et attachante Beauté...
Et par-dessus tout, le désert, le désert qui partout enserre l'Égypte et demeure son grand patrimoine inviolé de Beauté ! Absurde légende que sa prétendue monotonie ! Il est le royaume d'une féerie toujours renouvelée, où, sous la chevauchée des nuages, les rayons et les ombres se livrent des combats inédits. Son aride végétation, d'une si surprenante et changeante variété, est comme un dur chemin qui conduit vers les oasis, refuges de verdure, d'eau vive et d'ombre qui sont les haltes reposantes de l'immensité et où se dressent, au seuil, en gestes d'accueil, les chefs bédouins drapés dans la blancheur des burnous, à la manière de statues antiques..
Égypte, terre des beautés diverses et multiples, somptueuse et frissonnante palette où toutes les couleurs se mêlent, ton souvenir demeure, pour qui te quitte, le viatique d'art de sa destinée."


extrait de L'Art Vivant, revue bi-mensuelle des amateurs et des artistes éditée par Les Nouvelles Littéraires, 5e année, n° 97, 1er janvier 1929, par Firmin Van den Bosch (1864-1949), magistrat et écrivain belge ayant participé activement à la vie artistique de l'Égypte, procureur général aux Juridictions internationales, fondateur et président des 'Amis de l'Art' à Alexandrie où il vécut vingt ans.

Une séance aux bains publics, par Frédéric Goupil-Fesquet



"Pour nous délasser de notre tournée dans les bazars, nous prions Ibrahim de nous conduire aux bains, en manière de passe-temps et pour nous mettre en appétit. Toutes les villes, et jusqu'aux moindres villages, possèdent des bains publics qui sont toujours chauffés, et les musulmans de toutes les classes s'y baignent plusieurs fois la semaine, par esprit de religion aussi bien que par raison de santé. Souvent il y en a de séparés pour les femmes et pour les hommes ; quelquefois ils sont communs aux deux sexes, qui s'y baignent alternativement, les femmes pendant le jour et les hommes pendant la nuit. Ceux où nous entrons sont des étuves spécialement consacrées aux hommes. Le prix d'entrée varie, dans les capitales, depuis la valeur de douze jusqu'à quarante sous ; cependant les gens du peuple, qui sont très misérables, y sont admis sans rétribution. On se croirait dans quelques thermes des anciens ; nous pénétrons dans de grandes salles bâties en pierres et revêtues de marbre ou de stuc, couronnées de coupoles percées de trous en étoiles fermés par des verres dépolis qui laissent arriver le jour très doux, et opposent un sûr obstacle à la curiosité. Les portes en sont garnies de feutre, et, par ce moyen, elles conservent la température qui est différente pour chacune, afin que le passage de l'air libre à l'excessive chaleur qu'on éprouve dans la salle de bain soit plus insensible.
Des tuyaux disposés dans l'épaisseur des murs, et partant d'une chaudière, font office de calorifères, et, s'élevant au haut de la voûte, font évaporer l'eau que l'on tient toujours en ébullition. D'autres conduits, qui partent d'un réservoir, sont également contenus dans la maçonnerie et fournissent de l'eau froide, qu'on peut faire couler à volonté par un robinet placé dans l'intérieur. Ces bains sont toujours maintenus à un degré de chaleur très élevé (30 ou 40° Réaumur).
Dans la première chambre, se trouvent des divans sur lesquels de grands coquins très noirs s'emparent de vous et vous débarrassent de vos habits en un clin d'œil, puis vous enveloppent le corps d'une pièce de toile de coton ou de soie, sorte de tablier qui descend depuis le sein jusqu'aux pieds ; ils vous hissent ensuite sur des sandales de bois, de six pouces de haut, pour vous empêcher de vous brûler les pieds sur les dalles ; cela fait, ils vous conduisent par les coudes dans la seconde chambre, où vous commencez à suffoquer ; mais la respiration revient bientôt, et vous pouvez vous livrer à l'étude très intéressante pour l'artiste de l'académie arabe dans toute sa pureté, moins la sécheresse des contours, qui devient impossible dans ces vapeurs laiteuses répandues autour de l'Européen étonné. Nos trois corps, plus ou moins gras, plus ou moins maigres, ne nous ont jamais paru si blancs qu'à côté de ces Africains musculeux. Le long des murs règne une estrade de marbre pour se reposer et se coucher ; de distance en distance, il y a des cuves de marbre d'où l'eau froide et chaude s'échappe à volonté des robinets et tombe dans des rigoles qui la portent à l'extérieur. Dès que nous sommes assis, trois baigneurs viennent nous prendre le bras, et, armés d'une sorte de gant ou sac en crin, commencent à nous en râper la peau avec une ardeur peu commune ; ils nous frottent de toute leur force et presque à faire sortir notre sang ; nous avons beau nous plaindre, ils continuent de plus belle, et notre drogman étant resté à la porte, les coups de poings sont la seule éloquence en notre pouvoir. Cependant ils se ralentissent, et procèdent successivement au décapage de chacun de nos membres ; ils nous couchent sur le dos, puis sur le ventre, nous font joindre les coudes, ployer les doigts, craquer tous les os, même ceux de la colonne vertébrale ; il faut s'abandonner entièrement et sans aucune résistance à toutes ces opérations, qui ne sont point douloureuses et vous dilatent le corps en le remettant pour ainsi dire à neuf et le préparant à un bien-être qu'on ne peut comprendre qu'en respirant l'air du dehors. On se trempe ensuite dans un bassin d'eau tiède, puis dans un d'eau chaude, on vous enduit de savon des pieds à la tête avec une espèce de plante filandreuse, appelée lifeh, qui ressemble à un peloton de chanvre ou de filasse ; le savon parfumé devient mousseux et blanc comme de la neige, et l'homme, ainsi couvert d'écume étincelante, paraît une statue de sel ou de marbre ; seulement, il faut avoir soin de fermer les yeux quand le baigneur vous badigeonne la figure. Après une seconde immersion, qui vous débarrasse de cette dernière toison, les Arabes vous essuient, vous entourent de draperies qu'ils ajustent savamment, vous enroulent un turban de toile blanche très chaude pour faire sécher les cheveux, et vous introduisent dans une chambre dont la température est moins chaude, où des lits très propres ont été disposés pour le repos le plus agréable. On s'y installe avec bonheur, car, après un bain qui a ouvert tous les pores et dilaté toutes les fibres, on éprouve une certaine fatigue qui fait désirer l'immobilité de la position horizontale ; le massage à sec est la dernière opération. Des boissons restaurantes et parfumées, du café excellent, et la pipe indispensable, vous sont tour à tour apportés. On ne s'étonne plus alors que les femmes passent dans ce lieu les moments les plus délicieux de leur existence ; car, pour qui ne vit point de poésie et d'imagination, qu'y a-t-il de plus charmant que de venir après la promenade se préparer de nouveau à respirer l'air et à trouver la chaleur extérieure très douce dans un climat si chaud ? Elles y font en partie leur toilette, y font apporter leur repas qu'elles prennent ensemble gaiment, car elles n'ont guère occasion de se trouver en compagnie, et profitent de ces instants pour s'entretenir de la grande affaire de la toilette, question bien autrement capitale pour elles que pour nos gracieuses lionnes."

extrait de Voyage d'Horace Vernet en Orient : orné de seize dessins, 1843, par Frédéric Goupil-Fesquet (1817-1878), peintre-aquarelliste-graveur, neveu du peintre Horace Vernet (qu’il accompagne en Égypte pour un bref séjour à Alexandrie et au Caire).

vendredi 12 novembre 2021

"Cette manie d'écrire son nom sur les murailles est d'un ridicule odieux" (Frédéric Goupil-Fesquet)

illustration extraite du site "Egyptian monuments"

"Il nous tarde d'arriver au Caire, et s'il était possible d'user des voies télégraphiques, nous pourrions nous transmettre corps et biens dans quarante minutes à cette destination. Nous pourrions poudrer nos lettres avec le sable du désert. Mais puisqu'il ne nous est pas donné de nous arracher si vite des bras argentés dont le Nil étreint amoureusement le Delta, force nous restera de revoir et corriger, s'il y a lieu, nos impressions un peu émoussées d'avance par des livres qui ont tout décrit.
Les monuments qui attestent l'orgueil, ceux qui consolent l'humanité et perpétuent la bienfaisance se présentent toujours avec bonheur en voyage, et sont l'objet pour tous d'innombrables remarques ; ce goût à la description architecturale, qui s'attache aux dimensions métriques, est très généralement répandu et très fatigant pour ceux qui lisent.
Quel si grand intérêt y a-t-il donc du nombre de pieds qui entrent dans la longueur et la largeur de chaque pierre ? est-ce là tout le langage qu'un temple, une mosquée ou un obélisque adresse à nos yeux ? Y a-t-il du mérite à avoir vu quelque chose de très gros et de très grand qu'il fallu conquérir bien loin de chez soi à la sueur de son front et après maintes fatigues ? Non, certes, mais c'est l'habitude, et on la pardonne.
Le goût de la dégradation du monument est encore le plus universel de tous, engendré par la vanité. Cette manie d'écrire son nom sur les murailles est d'un ridicule odieux. Un proverbe allemand, qui devrait être connu du vulgaire des touristes, est celui-ci : Les murailles et les tables sont le papier des ânes. Les Anglais qui voyagent beaucoup sont trop souvent affectés de cette désolante maladie ; on trouve, en effet, sur les diverses faces de la colonne de Pompée, des signatures qui confondent leur absurde obscurité avec celles de quelques Français aussi absurdes ; il y a même des gens qui ont été assez atteints du mal pour se faire hisser au sommet de la colonne et vouloir transmettre à la postérité en caractères gigantesques leurs vastes noms tracés avec le cirage immortel de leur patrie.
Oui, le cirage anglais du haut de ces monuments vous contemple ayec les siècles, et afin que personne n'en ignore, celui qui a eu l'heureuse idée de se populariser ainsi s'appelle Williams ou Peters... Pourtant, il a beaucoup voyagé, beaucoup mangé dans les hôtels et les couvents d'Orient ; il y a signé ses indigestions de voyage et a semé sa carte de visite tout le long de la vallée du Nil, jusqu'à Thèbes ; nous la trouverons sur la porte de la grande pyramide, sur la joue et le nez mutilé des sphinx les plus illustres ; il a fait invasion dans les domaines les plus reculés de l'archéologie."

extrait de Voyage d'Horace Vernet en Orient : orné de seize dessins, 1843, par Frédéric Goupil-Fesquet (1817-1878), peintre-aquarelliste-graveur, neveu du peintre Horace Vernet (qu’il accompagne en Égypte pour un bref séjour à Alexandrie et au Caire).


mercredi 3 novembre 2021

"Idée générale" sur la recherche d'antiquités en Égypte, par Giuseppe Passalacqua



"Pour entreprendre des fouilles dans les ruines des anciennes villes de l'Égypte, la permission du pacha de ce pays est le premier obstacle qui arrête un voyageur. Lorsqu'il est parvenu à le surmonter, il a le choix de hasarder sa fortune à Alexandrie, Canope, Tanis, Bubaste, Héliopolis, Memphis, Antinoe, Hermopelis, Panopolis, Lycopolis, Abydus, Tentira, Thèbes, Latopolis, Elythias, Apollinopolis, Ombos, Syène, Éléphantine, Philoe, etc., etc.
Des obélisques, des colonnes, des pyramides, des temples magnifiques lui démontrent la grandeur qui jadis y régna ; leurs ruines l'instruisent des ravages qui y succédèrent, et ne lui laissent aucun espoir pour ses recherches parmi leurs restes. S'il persiste, l'expérience le lui prouve bientôt à ses propres dépens. Les tombeaux attirent alors son attention, et les nécropolis des villes les plus célèbres deviennent le but de ses voyages. Choisissant les points qui, sous le climat totalement sec de la Haute-Égypte, réunissent la position élevée au-dessus du plus haut niveau des eaux du Nil, aux fastes des villes les plus marquantes dans l'histoire, il fixe ses opérations sur les nécropolis de Memphis, d'Hermopolis, d'Abydus, et principalement sur celles de Thèbes. Il établit le nombre de ses ouvriers, les partage en compagnies, dont chacune est commandée par un chef qui doit la diriger. La situation topographique des tombeaux ne lui présentant point de règle positive pour en suivre les traces, il reconnaît que les anciens Égyptiens n'observaient aucune symétrie dans leurs distributions, et que les tombeaux se suivent sans ordre et sans proportions respectives. À travers cet ensemble de montagnes qui conservent toujours l'empreinte de la nature sauvage et aride, remplie de précipices et de vallées, le voyageur n'a pour guide que les caractères distinctifs des ruines qui indiquent à son raisonnement et à ses conjectures l'emplacement des sépultures les plus distinguées ; il fouille au hasard et d'après ses idées. La terre, les débris des pierres, les ruines, sont enlevés à vingt, trente pieds et plus de profondeur ; la mine ouvre des passages forcés dans la roche, qui, au fond de ses cavités artificielles, retentit sous les coups des Arabes ; des masses énormes que la vétusté ou les dévastations ont détachées des sommets qui couvrent les tombeaux qu'on y suppose au-dessous, sont obligées de céder, par leur propre contrepoids, aux leviers et aux efforts réunis d'une centaine de bras. Elles se précipitent de rocher en rocher, jusqu'au pied des montagnes qu'elles dominaient jadis, et leur chute semble annoncer la hardiesse de l'entreprise, par un tonnerre dont l'écho et la solitude du désert augmentent l'horrible fracas.
On aperçoit enfin quelques traces de l'ouvrage des hommes ; on les suit ; des cavités, des puits, des galeries, des chambres sépulcrales se présentent. Mais, hélas ! quel ravage frappe vos yeux, à la lueur des flambeaux, dans ce séjour de là mort ! À chaque pas, les tristes restes de nos premiers maîtres, et les vestiges de leurs sciences, vous attestent, par des cadavres et des fragments, mutilés, coupés en morceaux et bridés, les ravages du fer et du feu, que la fureur d'un ennemi insensé a portés jusque dans ces paisibles et sombres souterrains. Quelques détails curieux ; quelques objets de peu d'importance, échappés à ces recherches, et que le hasard seul vous fait découvrir dans la terre, sont bien souvent l'unique dédommagement de l'infatigable travail de plusieurs semaines, même de plusieurs mois.
Dans la solitude de mon exil volontaire, isolé sous les ruines de la magnificence égyptienne qui m'environnait, réunissant les siècles devant moi, je méditais souvent sur le souffle de mon existence ; et, insensible aux charmes de la vie que le souvenir me rappelait ailleurs, je mettais tout mon bonheur dans les découvertes que je pouvais faire.
Trois mois éternels s'écoulèrent au commencement de mes recherches à Thèbes, sans que, le moindre résultat vînt animer mon esprit accablé de tristesse, et prêt à se livrer au découragement. Cependant un grand nombre d'Arabes s'occupait continuellement à mes fouilles. Pendant plusieurs années de recherches, le hasard me fut de temps en temps très favorable ; mes travaux ne furent totalement couronnés que le 4 décembre 1823."

extrait de Catalogue raisonné et historique des antiquités découvertes en Égypte par M. Jp-Passalacqua, 1826.
Auteur du texte : Léonor Mérimée (1757-1836)

Giuseppe Passalacqua (1797 - 1865) est un collectionneur italien.
À l'origine vendeur de chevaux, il se rend en Égypte et y devient marchand d'antiquités.
"(Son) séjour en Égypte éveilla sa passion pour l’Antiquité, mais aussi son sens des affaires comme antiquaire. Il mena des fouilles à son compte et, en 1823-1824, il eut la chance de découvrir dans la partie occidentale de Thèbes la tombe à puits de Mentouhotep. Suite à cette découverte, il démarra une collection, qu’il expédia en 1826 par bateau à Paris en passant par Trieste. À son arrivée, il ne ménagea ni efforts ni dépenses pour intéresser le Louvre à sa collection. Il la présenta lors d’une exposition dans une galerie élégante, qui attira de nombreux visiteurs influents, parmi lesquels on trouvait même le roi de Prusse Frédéric Guillaume III. Pour des raisons publicitaires, Passalacqua mit des momies de sa collection à disposition pour des présentations publiques dans la grande salle de la Sorbonne. À ce qu’on dit, Jean-François Champollion lui-même, entre-temps célèbre, lut lors d’une de ces présentations le nom d’une Égyptienne momifiée dans le « livre des morts » de celle-ci. Mais rien n’y fit, les négociations avec les Français n’aboutirent à rien, probablement parce que le Louvre venait d’acheter une année plus tôt la collection de Salt et était de surcroît en pourparlers avec Drovetti et Anastasi. Peu avant que Passalacqua ne se résolût à vendre la collection lors d’une vente aux enchères – ce qui aurait signifié la dispersion des objets –, la Prusse se décida à l’acquérir. Cette transaction n’apporta à Passalacqua que 100 000 francs à la place des 400 000 qu’il avait demandés au départ, mais elle allait s’avérer avantageuse sur le long terme, car suite à l’agrandissement de la collection berlinoise, il obtint en 1828 le poste de directeur du nouveau Musée égyptien, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1865. Du côté prussien, les négociations furent menées par Alexander von Humboldt en personne." (source : Les hiéroglyphes de Champollion, Markus Messling)

lundi 1 novembre 2021

" Les Ramsès voulaient des sanctuaires inviolables, une paix profonde assurée pour l'éternité" (Charles Beaugé)

Biban el-Moulouk (Vallée des tombeaux des rois) / H[enri] Duval ;
[photogr. reprod. par A. Cintract pour la] Société de géographie (source : Gallica)

"La Thèbes de la rive droite du fleuve a les ruines de Karnak ; la Thèbes de la rive gauche a la vallée des Rois. Les grands pharaons des premières dynasties ont voulu pour tombeaux des pyramides géantes, amas de blocs énormes dont le centre serait occupé par leur sarcophage, dérobé aux vivants par une masse de granit épaisse de plus de cent mètres. Plus tard, d'autres ont bâti des monuments auxquels on accédait par d'interminables avenues de sphinx. Les Ramessides ont eu plus d'orgueil. Ils ont pris ce qu'il y avait de plus durable, de plus colossal : des montagnes. Ils ont choisi les monts rougeâtres du Libyan et ils y ont creusé leurs tombes jusqu'à des profondeurs inouïes, fiers de ces nécropoles impérissables ne redoutant que la destruction finale.
Pour parvenir à ces tombes, pas de chemin bordé de sphinx ou de béliers, mais un vestibule gigantesque de quatre kilomètres, une vallée tortueuse, sèche, aride, tournant dans tous les sens, flanquée de rocs, de pics et de sables, aboutissant à un creux fermé par un mont pointu dressé vers le ciel, pareil à une pyramide à degrés. Un fleuve semble avoir passé là dans les temps préhistoriques, et tracé cette vallée entre les collines sauvages. Son lit sert de route pour aller aux tombes de Ramsès. Du sable, des cailloux, des morceaux de rochers en remplissent le fond.
Des deux côtés, les parois des monts s'élèvent comme des murailles, successivement grises, noires, blanches, rouges, suivant la nuance de la terre et du sable, frappées toutes par les mêmes rayons de feu qui les brûlent depuis des siècles, toujours resplendissantes, malgré leur sécheresse, toujours colorées par ce même astre qui règne en souverain sur ces lieux désolés et qui leur donne un aspect fantastique et plein de majesté. On sent que l'on ne peut marcher vers des vivants, que seuls des morts, et de grands morts, doivent être ensevelis dans les montagnes auxquelles aboutit cet étrange défilé. La tranquillité éternelle est bien là, dans ce site où reposèrent des corps illustres. Les Ramsès voulaient des sanctuaires inviolables, une paix profonde assurée pour l'éternité.
Ils les eurent longtemps, malgré les barbares envahisseurs, malgré les conquérants. Mais ils avaient compté sans les savants, sans les chercheurs, qui troublèrent le repos de ces pharaons morts, pénétrèrent un jour dans les tombeaux mystérieux, enlevèrent les momies sacrées et les lourds sarcophages. La montage n'abrite plus aujourd'hui que l'âme de ces morts.
Les rochers de la route, qu'aucune herbe n'égaie, prennent devant l'œil rêveur toutes les formes, tous les aspects. Est-ce un mirage, une illusion, est-ce la réalité ? On croit voir parfois, taillé dans le roc, un de ces sphinx à la face impassible, comme l'Égypte en recèle. La nuit, la vallée paraît hantée par des spectres. Le jour, la chaleur est surnaturelle. Les rayons brûlants du soleil, renvoyés par les parois de sable, en font une fournaise. On éprouve l'accablante sensation d'être plongé dans le royaume du feu. Au bout de cette gorge morne et silencieuse sont les hypogées royaux, ceux de Seti Ier, de Menephtah, de Siphtah, d'Aménophis, de Thoutmosis et de neuf Ramsès. Tous s'ouvrent par un couloir très long, s'enfonçant dans la montage en pente douce, aux parois couvertes de peintures symboliques très bien conservées puis viennent les chambres saintes, dont la dernière garde le sarcophage.
La longueur des hypogées varie suivant la longueur des règnes, chaque pharaon ayant, dès son avènement, fait commencer les travaux qui devaient porter la chambre de sépulture le plus loin possible dans les entrailles de la montagne. Là encore, comme à Karnak, l'œuvre humaine est colossale. Le pharaon qui découvrit cette retraite précédée de ce défilé sinueux, aux abords farouches, et qui la désigna pour la nécropole des rois de sa dynastie, fut un homme de génie, un penseur et un artiste.
Que devaient être ces funérailles royales, où des processions innombrables serpentaient sous un soleil torride, à travers les courbes ravagées de cette route qui menait, entre des rochers géants, vers ces tombes souterraines, creusées dans les flans de la montage mystérieuse ? (...)
Le cirque dans lequel sont les tombeaux royaux paraît sans issue. Il semble que le voyageur doive s'en retourner vers la ville morte par l'immense vestibule qui l'a conduit jusqu'à la montagne sépulcrale. Un étroit sentier gravit cependant la colline sainte, aboutit au sommet du Libyan, d'où l'on domine tout le massif rocheux ; par une échancrure de sable, on aperçoit le Nil qui miroite au loin entre les cultures vertes, emprisonnées elles-mêmes entre deux mornes déserts. Par un puissant effet de lumière, jaillissant du contraste de ces eaux paisibles et de ces sables rongés par le soleil, le fleuve qui serpente dans les terres apparaît, bleu comme le ciel qui le domine. Cette large bande d'un azur fin repose la vue, cause une sensation de douceur bienfaisante qui atténue l'impression de désolation grandiose montant des immenses plaines arides où ne se dressent que des ruines gigantesques. Le long ruban pâle du Nil semble un morceau de ciel détaché épandu sur un fond de sable doré.
La vue embrasse tout ce qui reste de Thèbes, la cité illustre."


extrait de À travers la Haute-Égypte, vingt ans de souvenirs, 1923, par Charles Beaugé (18...-19...). Cet ingénieur divisionnaire aux chemins de fer de l'État égyptien, à Assiout, a passé vingt années consécutives en Haute-Égypte et, à ce titre, il revendique une "stricte exactitude" de ses observations.

vendredi 29 octobre 2021

En promenade sur le Nil, avec Charles Beaugé

photo MC

"L'histoire rapporte que l'Égypte eut deux des sept merveilles du monde : les Pyramides de Guizeh et le phare d'Alexandrie. Elle en a une troisième, dont il n'est pas fait mention dans la légende ancienne, mais que les chroniqueurs arabes on qualifiée de merveille des siècles : c'est le Nil, le fleuve sacré, coulant des grands lacs africains aux bouches de Rosette et de Damiette sur une longueur de plus de 1.500 lieues, dépassant le cours de tous les fleuves du globe.
Celui que les anciens ont appelé le père des eaux, les sources de l'Océan, reste encore une énigme pour l'imagination humaine, qui n'a pu jusqu'ici résoudre ce problème, la naissance des masses d'eau énormes venues des contrées inconnues, roulant dans leurs flots jaunes d'immenses quantités de limon bourbeux qui se déposent sur les rives, fertilisent les terrains appauvris par le sable des déserts qui se précipite, malgré les obstacles, dans la plaine d'alentour, à l'époque invariable et inexpliquée de la crue. Les roches n'ont pu l'arrêter dans sa course. Il les a rongées, creusées, il a passé au travers ou il les a emportées avec lui au milieu de son limon. Il s'en vient, de cataracte en cataracte, qu'il soit calme ou que ses flots puissant roulent avec fracas ; il s'en va vers la mer, changeant de couleur suivant les provinces et suivant les époques, et fécondant les pays qu'il traverse.
L'Égypte, dit un dicton populaire, est le territoire que l'inondation atteint. Elle n'existerait pas, en effet, sans le fleuve qui, aux trois mois d'été, se déverse sur elle et l'enrichit. On songe aux calamités terribles qui s'ensuivraient si, quelque jour, la crue bienfaisante ne se produisait plus.
L'impression est saisissante quand, s'éloignant de la rive, remontant le fleuve entre ses bords verdoyants, on voit disparaître peu à peu à l'horizon le fouillis de minarets qu'est Le Caire. Le Nil étale ses eaux sacrées, que ne ride point la brise, et sa sereine majesté explique le culte et le respect des populations qui le tinrent pour une divinité. Plutarque rapporte que rien n'était aussi vénéré chez les Égyptiens que le Nil. "Ils croient, dit-il, que son eau engraisse et donne un embonpoint extraordinaire."
Tel le Nil apparaît dès la première heure, avec son cortège de palmiers, de huttes de terre, de fellahs profilant leur silhouette sur le ciel bleu, au sommet des monticules, tel il apparaîtra aux heures suivantes jusqu'au terme du voyage, serpentant entre les deux chaînes rocheuses qui l'enserrent, l'emprisonnent et sont les remparts du désert contre ses flots : la chaine lybique, du côté du couchant, la chaîne arabique vers l'Orient. Il s'en va, aimant les courbes, les sinuosités, jetant un perpétuel défi à la ligne droite. Il baigne des champs de bersim ou de blé, des villages où grouille une masse indigène, des ruines du passé. Il est impétueux ou calme, mais toujours, de chaque côté, c'est un éternel défilé de bandes de terre vertes entrecoupées de bosquets de palmiers, de cabanes faites de son limon fertile mélangé à de la paille, de terrains arides ; des palmiers encore, poussés le plus souvent obliquement, sous lesquels s'abritent des fellahs dans leurs misérables huttes. Cette monotonie des choses qui passent n'ennuie pas, ne lasse jamais. Du premier jour au dernier, l'œil suit sans fatigue ces terres qui semblent lentement venir, s'éloignent et disparaissent. Le spectacle, toujours le même en apparence, est d'une variété infinie, en réalité.
Il devient familier à l'esprit, il est bientôt le compagnon inséparable du recueillement qu'inspirent la grande sérénité de cette nature et l'isolement dans lequel on se trouve. On se plaît à le retrouver chaque matin, à vivre avec lui dans la journée, à le laisser s'obscurcir et se voiler à l'heure du repos.
Comme le ciel a ses étoiles pour faire rêver le voyageur, l'air ses vol d'oiseaux pour distraire les yeux, le Nil a ses barques aux larges voiles, de silhouettes puissantes et finement découpées. Elles sillonnent le fleuve par centaines de milliers, poussées par le vent qui gonfle leurs toiles. Leur défilé ne s'arrête jamais ; elles sont comme les flots du Nil : il en vient toujours, toujours. À chaque détour du fleuve il en apparaît de nouvelles. Elles sont les hôtes de ce fleuve qui les aime et qui les porte à leur but. Elles glissent doucement, comme de grands oiseaux blancs qui voleraient à la surface, qui se laisseraient emporter avec une heureuse quiétude. Elles sont comme les esprits familiers de ce vieux Nil qui garde tant de mystères, qui a vu passer tant de religions, tant de races, tant de conquérants, qui a vu naître et déchoir tant d'empires. Elles descendent le fleuve, portant des chargements de marchandises et d'hommes, empilés les uns sur les autres ; elles sont si lourdes qu'elles s'enfoncent dans l'eau bourbeuse, que leur bord rase le flot, qu'elles donnent l'impression d'une submersion prochaine. (...)
Le Nil, lui aussi, aime les routes tortueuses. On dirait qu'il a peur de se perdre dans la mer, qu'il fait tous les détours possibles pour allonger son parcours, pour reculer l'engloutissement final. Il va de droite à gauche pour revenir de gauche à droite. On met des heures pour passer devant telle colline qui est extrêmement proche. Des grands lacs équatoriaux à la mer, il ne cesse de faire l'école buissonnière, d'esquiver la voie la plus courte. Par suite de ces sinuosités, les barques qui vont en sens inverse, réapparaissent souvent tout près de nous, derrière une bande de terre plus étroite, comme si elles avaient passé dans quelque autre fleuve coulant parallèlement. On aperçoit seulement les voiles blanches qui surgissent au milieu des palmiers, au-dessus d'indigènes travaillant aux champs, courbés vers le sol, le dos brûlé par le soleil.
Ces visions prennent parfois une apparence de magie. On se croirait dans un décor de théâtre."


extrait de À travers la Haute-Égypte, vingt ans de souvenirs, 1923, par Charles Beaugé (18...-19...). Cet ingénieur divisionnaire aux chemins de fer de l'État égyptien, à Assiout, a passé vingt années consécutives en Haute-Égypte et, à ce titre, il revendique une "stricte exactitude" de ses observations.

mardi 19 octobre 2021

Le chameau, "un animal précieux pour le pays, et une monture fort agréable quand on est parvenu à s'y installer" (Ernest Jacquesson - XIXe s.)

aucune mention de date ni d'auteur pour ce cliché

"L'Européen qui arrive en Égypte par mer, et qui tombe tout à coup, sans transition aucune, au milieu des habitudes et des moeurs d'un pays si différent du nôtre, serait tenté de croire à un rêve, si les palmiers-dattiers qui apparaissent au loin, et les chameaux qui passent sur la place, n'étaient là pour le rappeler à la réalité.
On a beaucoup parlé de l'utilité du chameau, et je suis loin de la contester ; mais j'affirme qu'il n'est rien moins que doux et patient, comme l'ont prétendu certains naturalistes. Il a, au contraire, une inertie de caractère récalcitrante, si je puis m'exprimer ainsi, qui le rend indocile et hargneux dès qu'on veut lui faire faire quoi que ce soit. On voit ces animaux rester immobiles sur leurs jambes des heures entières : leur maître vient et veut les faire marcher, ils montrent les dents et crient ; leur commande-t-il de s'arrêter, ils crient ; de se lever, ils crient encore ; et tout cela en cherchant à mordre, sans toutefois trop se déranger. Il serait difficile de donner une idée de ce cri à ceux qui ne l'ont pas entendu : c'est un grommellement sourd et caverneux, accompagné, pour ainsi dire, de borborygmes ; somme toute, quelque chose de fort maussade. À part cela, c'est un animal précieux pour le pays, et une monture fort agréable quand on est parvenu à s'y installer, ce qui n'est pas une petite affaire.
Vous vous mettez en croupe sur l'animal couché par terre ; il relève fort brusquement ses deux grandes jambes de derrière, au risque de vous culbuter en avant ; il relève ensuite celles de devant, mouvement qui vous précipiterait avec violence par-
dessus sa croupe, si vous ne vous cramponniez au fort pommeau de la selle, qui est disposé à cet effet.
Les Arabes ont l'ennuyeuse habitude de les faire marcher à la file les uns des autres, de sorte que ceux qui les montent ne peuvent jamais voyager côte à côte ; bon gré mal gré, on est ainsi forcé de passer à l'état muet et contemplatif qui plaît tant aux musulmans, et qui est si pénible aux touristes français.
Une caravane un peu considérable est fort curieuse à voir. Les chameaux sont tous reliés entre eux par une corde partant du licol, et se rattachant à l'espèce de selle que celui qui précède porte sur le dos. Ils vont tous au pas, et de loin, dans le désert, on dirait une file de vaisseaux sur une seule ligne, les chevaux et les ânes qui marchent sur les flancs ressemblant à des bâtiments légers. Le chameau est la monture du désert.

Pour les petits voyages, et particulièrement pour les courses dans l'intérieur des villes, ce sont des ânes qui font le service. On les voit circuler, à Alexandrie et au Caire, aussi nombreux que les voitures sur les boulevards de Paris."

extrait de Voyage en Égypte et en Palestine : notes et souvenirs,  par Ernest Jacquesson (1831-1860),
ingénieur civil, ancien élève de l’École centrale des Arts et Manufactures, qui a pu effectuer un voyage en Égypte en compagnie de Ferdinand de Lesseps et des membres de la Commission internationale des ingénieurs, se rendant sur les lieux pour étudier le percement de l'isthme de Suez.