Pascal-Xavier Coste, Hors les murs du Caire. Mosquée du Calife Kaïdt-Bey
Minaret du mausolée de Qaytbay, 1822.
Le goût des encorbellements se conçoit à merveille chez tous les peuples qui habitent les pays chauds, et à plus forte raison, les régions torrides. Il s'explique par le besoin de respirer en dehors de l'habitation, sans être obligé d'en sortir, par la nécessité de se créer des ombres au moyen de fortes saillies et de changer en parasol la toiture d'un abreuvoir où les cavaliers feront halte, la corniche et la couverture d'une fontaine publique où
les femmes se réuniront. Mais l'encorbellement devait se développer dans les constructions musulmanes plus qu'ailleurs. Pour que chacun pût faire, aux heures canoniques, les dévotions prescrites par le Coran, il fallait de hautes galeries d'où le muezzin pût crier l'appel à la prière. Pour mettre l'architecture en rapport avec les mœurs d'un peuple qui veut que la vie privée soit murée, et que les femmes soient renfermées dans un harem impénétrable au regard, il fallait des fenêtres en saillie, des moucharabiehs, dont le grillage fin et serré permît de voir, de la maison, sans être vu.
Il fallait enfin à la porte des okels, où arrivent les négociants étrangers, les voyageurs, de larges auvents sous lesquels ils pussent attendre à l'ombre le déballage de leurs marchandises, le déchargement de leur bagage.
Sans exagérer la part des influences de peuple à peuple, comme on le fait aujourd'hui, on doit reconnaître que c'est après avoir vu les moucharabiehs, les balcons des minarets et tous les autres encorbellements de l'architecture arabe, que les croisés importèrent en France l'usage, si fréquent dans nos constructions civiles et militaires du moyen âge, des échauguettes, des mâchicoulis, des tourelles en saillie, des corniches à balustrade. Seulement, ce qui témoignait en Orient de la défiance des maris, accusait plutôt en Europe la prudence des hommes d'armes. Les barbacanes de la jalousie et de la curiosité étaient devenues de meurtrières.
Rompus à la science des encorbellements, les architectes arabes étaient tout préparés pour bâtir les coupoles à pendentifs qui dominent dans l'Égypte des khalifes et des Turcomans."
extrait de Voyage de la Haute Égypte, 1876, par Charles Blanc (1813-1882), historien, critique d'art et graveur français, membre de l'Académie des beaux-arts et de l'Académie française, professeur d'esthétique et d'histoire de l'art au Collège de France.
les femmes se réuniront. Mais l'encorbellement devait se développer dans les constructions musulmanes plus qu'ailleurs. Pour que chacun pût faire, aux heures canoniques, les dévotions prescrites par le Coran, il fallait de hautes galeries d'où le muezzin pût crier l'appel à la prière. Pour mettre l'architecture en rapport avec les mœurs d'un peuple qui veut que la vie privée soit murée, et que les femmes soient renfermées dans un harem impénétrable au regard, il fallait des fenêtres en saillie, des moucharabiehs, dont le grillage fin et serré permît de voir, de la maison, sans être vu.
Il fallait enfin à la porte des okels, où arrivent les négociants étrangers, les voyageurs, de larges auvents sous lesquels ils pussent attendre à l'ombre le déballage de leurs marchandises, le déchargement de leur bagage.
Sans exagérer la part des influences de peuple à peuple, comme on le fait aujourd'hui, on doit reconnaître que c'est après avoir vu les moucharabiehs, les balcons des minarets et tous les autres encorbellements de l'architecture arabe, que les croisés importèrent en France l'usage, si fréquent dans nos constructions civiles et militaires du moyen âge, des échauguettes, des mâchicoulis, des tourelles en saillie, des corniches à balustrade. Seulement, ce qui témoignait en Orient de la défiance des maris, accusait plutôt en Europe la prudence des hommes d'armes. Les barbacanes de la jalousie et de la curiosité étaient devenues de meurtrières.
Rompus à la science des encorbellements, les architectes arabes étaient tout préparés pour bâtir les coupoles à pendentifs qui dominent dans l'Égypte des khalifes et des Turcomans."
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