Illustration extraite de l'Album du musée de Boulaq : comprenant quarante planches / photographiées par MM. Delié et Béchard ;
avec un texte explicatif par Auguste Mariette-Bey, 1872
"J'avais pour M. Mariette, le savant égyptologue, une lettre d'introduction, je désirais le voir et visiter aussi l'intéressant musée d'antiquités qu'il a fondé à Boulaq, sa résidence habituelle. Je me rendis donc à ce joli village situé sur la rive droite du Nil. Boulaq contient 4 ou 5,000 habitants. C'est le port de toutes les barques qui viennent de la basse Égypte à destination du Caire, de sorte qu'aux abords du fleuve il règne toujours une animation extrême. Quant au musée, il est excessivement intéressant, et, quoique dans un local provisoire, dit-on, il est disposé avec un goût extrême.
En parcourant les salles bien éclairées où sont déposés les précieux restes d'une civilisation qui remonte à bien des siècles, on reconnaît vite le soin en toutes choses, l'esprit de méthode qui caractérise les Occidentaux. Mais comme il faut rendre à César ce qui appartient à César, on doit avant tout remercier le vice-roi d'avoir mis M. Mariette à même de réunir tant d'éléments précieux pour l'histoire.
Jadis les antiques monuments de l'Égypte, les grandes villes en ruine, les nécropoles que l'on trouve dans leur voisinage, étaient comme des mines où les fellahs allaient puiser à l'aventure, et sans discernement, tout ce qu'ils vendaient aux étrangers désireux de recueillir quelques débris du passé. Bien des objets d'un haut intérêt ont été ainsi dispersés dans des collections particulières qui se sont elles-mêmes évanouies à la mort de celui qui les avait faites. L'ignorante avidité des chercheurs d'antiquités a souvent amené la destruction de monuments très intéressants.
Pour couper le mal dans sa racine, le vice-roi décida que puisque le sol de l'Égypte lui appartenait, il était également le seul et unique possesseur de tout ce que la terre recélait au-dessous de sa surface. Il fut donc interdit aux fellahs de faire la moindre fouille, de rechercher la moindre antiquité et d'en faire le commerce. Extraire une momie de son tombeau, et la vendre, fut considéré désormais comme un vol commis au préjudice de Son Altesse. S'il n'est pas facile de faire exécuter cette mesure dans toute sa rigueur, elle n'en a pas moins eu pour résultat d'arrêter en grande partie le pillage qui n'eût été qu'en augmentant avec le nombre de plus en plus considérable des voyageurs qui visitent l'Égypte. (...)
Sous l'habile direction de M. Mariette, bien des fouilles ont été exécutées et ont amené des découvertes de la plus haute importance. II ne s'est pas borné à garnir les murs du musée de Boulaq de stèles, ou pierres gravées couvertes d'hiéroglyphes, à exposer aux regards les statues en granit et en porphyre des rois qui ont régné jadis sur l'Égypte, à mettre dans des vitrines les scarabées que l'on trouve avec les momies, les petites figures des
nombreuses divinités qu'on plaçait auprès des morts pour les sanctifier et les protéger, et les divers ustensiles qui servaient, soit au culte, soit aux usages quotidiens des hommes d'autrefois ; il a fait encore un catalogue dont la lecture attentive suffirait pour initier aux idées religieuses, aux mœurs et aux habitudes des anciens habitants de la vallée du Nil. Ce catalogue a le rare mérite de décrire, en quelques mots, chaque objet avec clarté et précision, d'en indiquer l'usage et de n'être pas d'une lecture aride comme le sont ordinairement ces sortes d'ouvrages.
Il est aisé de voir, en parcourant le musée, que l'art égyptien a subi des phases bien diverses : il a, pendant certaines périodes, brillé avec éclat, puis sont venus les temps de décadence. Sans pouvoir lire ni comprendre les hiéroglyphes, on reconnaît dans le soin, la précision, l'élégance de la gravure, des différences telles qu'elles frappent au premier coup d'œil.
La vue des statues donne lieu aux mêmes remarques. Les belles époques de l'art ont toujours concordé avec celles de la prospérité du royaume, comme on peut s'en assurer en étudiant la suite des événements qui se sont accomplis dans l'Égypte ancienne.
Depuis que le génie de Champollion a découvert les moyens de lire les caractères hiéroglyphiques, l'histoire de ce pays, écrite en grande partie sur ses monuments, a pris tout à coup un degré de précision inattendu. Les trois premières dynasties pharaoniques restent encore enveloppées de ténèbres ; mais à partir de la quatrième la lumière se fait, car on sait que la grande pyramide de Guiseh, construite par Chéops, date de cette époque lointaine. Elle prouve à elle seule que, dans un temps où les nations qui devaient occuper plus tard la plus grande place dans l'histoire du monde étaient encore plongées dans une barbarie profonde, déjà sur les bords du Nil il existait une civilisation tellement avancée, qu'on doit augmenter le nombre, admis jusqu'ici, des siècles écoulés depuis que les hommes sont constitués en société régulière."
En parcourant les salles bien éclairées où sont déposés les précieux restes d'une civilisation qui remonte à bien des siècles, on reconnaît vite le soin en toutes choses, l'esprit de méthode qui caractérise les Occidentaux. Mais comme il faut rendre à César ce qui appartient à César, on doit avant tout remercier le vice-roi d'avoir mis M. Mariette à même de réunir tant d'éléments précieux pour l'histoire.
Jadis les antiques monuments de l'Égypte, les grandes villes en ruine, les nécropoles que l'on trouve dans leur voisinage, étaient comme des mines où les fellahs allaient puiser à l'aventure, et sans discernement, tout ce qu'ils vendaient aux étrangers désireux de recueillir quelques débris du passé. Bien des objets d'un haut intérêt ont été ainsi dispersés dans des collections particulières qui se sont elles-mêmes évanouies à la mort de celui qui les avait faites. L'ignorante avidité des chercheurs d'antiquités a souvent amené la destruction de monuments très intéressants.
Pour couper le mal dans sa racine, le vice-roi décida que puisque le sol de l'Égypte lui appartenait, il était également le seul et unique possesseur de tout ce que la terre recélait au-dessous de sa surface. Il fut donc interdit aux fellahs de faire la moindre fouille, de rechercher la moindre antiquité et d'en faire le commerce. Extraire une momie de son tombeau, et la vendre, fut considéré désormais comme un vol commis au préjudice de Son Altesse. S'il n'est pas facile de faire exécuter cette mesure dans toute sa rigueur, elle n'en a pas moins eu pour résultat d'arrêter en grande partie le pillage qui n'eût été qu'en augmentant avec le nombre de plus en plus considérable des voyageurs qui visitent l'Égypte. (...)
Sous l'habile direction de M. Mariette, bien des fouilles ont été exécutées et ont amené des découvertes de la plus haute importance. II ne s'est pas borné à garnir les murs du musée de Boulaq de stèles, ou pierres gravées couvertes d'hiéroglyphes, à exposer aux regards les statues en granit et en porphyre des rois qui ont régné jadis sur l'Égypte, à mettre dans des vitrines les scarabées que l'on trouve avec les momies, les petites figures des
nombreuses divinités qu'on plaçait auprès des morts pour les sanctifier et les protéger, et les divers ustensiles qui servaient, soit au culte, soit aux usages quotidiens des hommes d'autrefois ; il a fait encore un catalogue dont la lecture attentive suffirait pour initier aux idées religieuses, aux mœurs et aux habitudes des anciens habitants de la vallée du Nil. Ce catalogue a le rare mérite de décrire, en quelques mots, chaque objet avec clarté et précision, d'en indiquer l'usage et de n'être pas d'une lecture aride comme le sont ordinairement ces sortes d'ouvrages.
Il est aisé de voir, en parcourant le musée, que l'art égyptien a subi des phases bien diverses : il a, pendant certaines périodes, brillé avec éclat, puis sont venus les temps de décadence. Sans pouvoir lire ni comprendre les hiéroglyphes, on reconnaît dans le soin, la précision, l'élégance de la gravure, des différences telles qu'elles frappent au premier coup d'œil.
La vue des statues donne lieu aux mêmes remarques. Les belles époques de l'art ont toujours concordé avec celles de la prospérité du royaume, comme on peut s'en assurer en étudiant la suite des événements qui se sont accomplis dans l'Égypte ancienne.
Depuis que le génie de Champollion a découvert les moyens de lire les caractères hiéroglyphiques, l'histoire de ce pays, écrite en grande partie sur ses monuments, a pris tout à coup un degré de précision inattendu. Les trois premières dynasties pharaoniques restent encore enveloppées de ténèbres ; mais à partir de la quatrième la lumière se fait, car on sait que la grande pyramide de Guiseh, construite par Chéops, date de cette époque lointaine. Elle prouve à elle seule que, dans un temps où les nations qui devaient occuper plus tard la plus grande place dans l'histoire du monde étaient encore plongées dans une barbarie profonde, déjà sur les bords du Nil il existait une civilisation tellement avancée, qu'on doit augmenter le nombre, admis jusqu'ici, des siècles écoulés depuis que les hommes sont constitués en société régulière."
De ses voyages (Europe, Balkans, Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient), Achille Fouquier (1817-1895), diplômé de l'École des mines de Paris, rapporta de nombreuses illustrations. Il relata également ses périples dans quelques ouvrages, dont Hors de Paris : canal de Suez, Le Caire, Jérusalem, Damas, publié en 1869, dont est extrait le texte ci-dessus.
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