dimanche 3 juillet 2022

"Il y eut à travers l'histoire de l'art égyptien une infinité de créateurs éminents qui s'inscrivent parmi les gloires de l'art universel" (Alfred Leroy)

Deir El-Bahari - photo Daniel Fafard (domaine public)

"L'art égyptien, créateur de beauté, s'élève au-dessus de tous les éloges, il est un des patrimoines les plus fantastiques du monde moderne, un trésor illimité, une source jaillissante de plaisirs et de joie, un exemple et une leçon.
Par ses caractères essentiels, il montre l'art au service des idéaux les plus sublimes ; l'art au service de la religion, l'art au service des croyances en l'immortalité de l'âme, dégagé de tout matérialisme. Il montre l'art plongeant dans la vie, en contact avec elle, recevant d'elle une sève qui le préserve longtemps de tout affaiblissement.
Il montre l'art s'intégrant à tous les actes de l'existence, ayant sa place en toutes choses, embellissant les moindres objets usuels, ne reculant devant aucune audace, accédant à des cimes qui nous laissent (...) admiratifs et émus.
Hérodote, Strabon, Diodore de Sicile ne se lassent point de célébrer les caractères de l'art égyptien. Ils ne peuvent cacher leur étonnement en face de ces temples grandioses, bâtis pour l'éternité, pleins de richesses incalculables, étincelants d'or, d'argent et de métaux précieux, revêtus de peintures vives, d'une somptuosité légendaire.
Et cependant, ils appartiennent à des pays où les arts atteignent une perfection rare, ils connaissent les plus illustres réalisations du génie hellène, les statues de Phidias, de Polyclète et de Praxitèle ; ils connaissent les monuments de l'Acropole d'Athènes, des villes grecques d'Asie Mineure et d'Italie, néanmoins, ils n'ont rien vu de pareil à ce qu'ils voient en Égypte. Ils pénètrent dans un monde étrange, fascinateur, ils en ressentent une émotion intense, un enthousiasme extraordinaire traduits en pages immortelles, maintes fois citées.
Pour un Grec, quel spectacle surprenant que ces colosses taillés à même le rocher, tel celui de Ramsès II au fond de la première cour du Ramesseum. La statue du Pharaon victorieux, du conquérant magnifique s'élève à une hauteur de dix-sept mètres cinquante, elle pèse onze cents tonnes, elle repose sur un monolithe de onze mètres soixante-dix sur six mètres, elle est faite d'un seul bloc de granit rose qui avait été extrait des carrières d'Assouan et avait parcouru deux cent vingt kilomètres avant de se dresser devant l'entrée du temple.
De même, les Grecs furent séduits par la polychromie qui embellissait toute création égyptienne, par ces teintes harmonieuses, ces marbres variés, cette profusion de peinture, de dorure, de métaux employés avec infiniment de goût et de subtilité. Ils furent séduits par cette fantaisie dont ils avaient bénéficié grâce à des influences nombreuses (...)
Les Égyptiens, soucieux de construire pour l'éternité, écartaient les matériaux périssables.
Ils connurent la voûte dès la plus haute époque, ils excellèrent à utiliser les briques crues, mais ils n'utilisèrent que la pierre et proscrivirent la voûte quand il il s'agit d'édifier des monuments religieux. Ils craignirent les poussées de la voûte sur ses points d'appui, ils redoutèrent la fragilité des briques crues.
Il serait faux de croire les artistes égyptiens confondus dans un anonymat absolu ; beaucoup exercèrent un rôle personnel, léguèrent leur nom à la postérité, surtout les architectes, maîtres d'œuvre, dont certains demeurent aujourd'hui célèbres. Nous possédons des inscriptions où se lisent les noms de Penré et de Semnout. Le premier est l'un des architectes du Ramesseum, temple édifié à Thèbes, sous la XIXe dynastie, par Ramsès II, il devait s'égaler aux plus grands maîtres de la Grèce antique.
Le second est l'architecte de la reine Hatshepsout, le constructeur de Deir-el-Bahari, l'un des génies les plus originaux qui soit.
Il y eut à travers l'histoire de l'art égyptien une infinité de créateurs éminents qui s'inscrivent parmi les gloires de l'art universel. Si la majorité reste enveloppée de mystère, si nous ne pouvons percer l'obscurité qui les cache à nos yeux, leurs œuvres révèlent des tempéraments d'une singulière puissance, des esprits doués de hautes qualités, vibrant aux sensations diverses qu'ils enregistrent et traduisent, inquiets de perfection, accédant à des hauteurs que les civilisations suivantes ignorèrent.
Les maîtres auxquels nous sommes redevables des temples et monuments funéraires de Thèbes, de Karnak, de Louxor, de la Vallée des Rois, de Memphis et autres lieux possédèrent une science prodigieuse. Ils possédèrent un sens artistique inouï ; ils utilisèrent leurs collaborateurs avec une opportunité rare ; ils servirent un idéal politique et religieux vraiment grandiose.
En parcourant l'immensité de l'art égyptien, depuis les colosses d'Abu-Simbel jusqu'aux bijoux de Dahchour, ou du Ramesseum, une même admiration jaillit en nous ; les caractères de cet art apparaissent en toute leur variété et leur unité."


extrait de Évolution de l'art antique - Égypte, Asie occidentale, Grèce, Rome, 1945, par Alfred Leroy (1897-19...), historien d'art

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