samedi 2 juillet 2022

"Rien ne peut rivaliser avec les peintures exécutées sous la XVIIIe et la XIXe dynasties" (Georges Bénédite, à propos de l'art égyptien)

tombe de Nakht - TT 52 - Vallée des Nobles - photo Marie Grillot

"La peinture, art auxiliaire et d'un emploi presque illimité, était tributaire de l'architecture, de la sculpture, de l'ébénisterie et de la céramique. Elle a débuté par le procédé le plus simple
et s'y est très généralement tenue : la teinte plate. Les parois lisses, divisées en zones ou registres formant tableaux, étaient peintes par le même procédé, consistant en un dessin au trait exécuté au pinceau et le champ ainsi cerné était recouvert après coup de teintes plates. Ce n'est pas tout : des retouches venaient reprendre le détail en traits d'un ton soutenu. (...)
Mais rien, dans l'état actuel des découvertes, ne peut rivaliser - en ce domaine, - avec les peintures exécutées sous la XVIIIe et la XIXe dynasties pour la décoration murale des tombes civiles de la nécropole thébaine à Cheikh Abd-el-Qournah, à l'Assassif, à Deir el-Médineh. Le peintre, qui était ici son propre dessinateur, s'est attaqué aux sujets les plus charmants ; et, avec ses procédés sommaires, les a rendus mieux que nous ne saurions faire avec le modelé savant de la fresque. La variété des attitudes et des mouvements, mise en valeur par la simplicité de la composition, nous a valu des scènes tellement typiques qu'on les gâterait
certainement en voulant transposer les sujets qu'elles représentent en des tableaux exécutés selon les formules d'ailleurs toujours discutées de notre peinture occidentale.
Dans ces peintures, on se rend compte que l'artiste, ayant à rendre la transparence des tissus dont étaient vêtues les dames thébaines, fut amené à chercher un procédé qui devait l'entraîner hors de la teinte plate traditionnelle. La blancheur du lin s'additionnait en effet de la couleur des chairs, là ou l'adhérence au corps était complète. D'autre part, les plis du tissu qui interrompaient la transparence posaient un autre problème. Le peintre s'en est bien tiré dans le premier cas, il a affaibli par un mélange des couleurs le ton des chairs vues en transparence ; dans le second, il en a interrompu plus ou moins la visibilité en revenant progressivement au blanc pur correspondant à la couleur normale du tissu.
C'est seulement, avons-nous dit, sous le Nouvel-Empire que le peintre prend goût à ces nuances. Il est même allé plus loin : il a non seulement pratiqué les dégradés qui rendent aux vêtements de lin une apparence de réalité, mais il a eu recours à l'emploi des ombres (mélange de blanc et de noir) pour donner du relief aux plis ; et, sous la XIXe dynastie, on le surprend à réchauffer la carnation des joues des Thébaines élégantes dans les tableaux de harem par des retouches qui font penser à nos peintures du XVIlIe siècle, et à modeler le corps sous la transparence du vêtement.
Mais dans ce pays de lumière aveuglante où la magie du soleil illumine les couleurs les plus sombres et abolit toutes les relations de la gamme, le vieux procédé traditionnel se suffisait à l'extérieur. Pour ce qui est de l'intérieur des chambres, la pénombre, chère aux peuples des pays chauds, arrivait au même résultat par un moyen opposé. C'est bien d'ailleurs à propos de la peinture que l'on peut dire que chaque peuple a eu l'art de sa lumière."

extrait de L'art égyptien dans ses lignes générales, 1923, par Georges Bénédite, conservateur des antiquités égyptiennes du Louvre, professeur à l'École du Louvre

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