Les pyramides peuvent être regardées avec raison comme les plus étonnantes productions de l'art, et le Nil comme la plus grande curiosité naturelle de ce pays. Pour suppléer à la rareté des pluies, la nature a ordonné un débordement annuel de ce fleuve qui arrose et enrichit la terre, de manière qu'on trouve ici l'abondance et la verdure sans le secours des nuages ; ainsi en parlant de l'Égypte, Tibulle a eu raison de dire :
Te propter nullos tellus tua postulat imbres,
Arida nec pluvio supplicat herba Jovi.
La terre sous ton climat n'a pas besoin de pluie, et l'herbe desséchée n'importune pas Jupiter pluvieux. (...)
Le fleuve se répand dans la contrée où il couvre plusieurs lieues de terrain, et il ressemble à une mer. Les endroits trop éloignés de l'inondation y participent cependant par le moyen des canaux. On conjecture que par les saignées et les autres pertes que le Nil fait dans son cours, la dixième partie de ses eaux n'arrive pas à la mer.
L'Égypte offre alors une perspective bien étrange et bien curieuse. En montant sur un édifice élevé on découvre une immense plaine d'eau, du sein de laquelle s'élèvent des villes et des villages ; çà et là sont quelques chaussées, des bocages sans nombre, des arbres fruitiers dont on n'aperçoit que la cime. Quand les eaux se retirent, elles laissent beaucoup de poissons, et ce qui est beaucoup plus précieux, un limon qui forme un excellent engrais pour fertiliser la campagne.
Ces couches de limon agrandissent et élèvent le sol de l'Égypte ; plusieurs places situées autrefois sur le bord de la mer, se trouvent aujourd'hui dans les terres, telle est Damiette. Le Nil charrie sa bourbe plusieurs lieues dans la mer, et comme elle s'accumule tous les ans le pays s'accroît insensiblement."
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