Ces ânes d'Égypte sont réellement étonnants ! Ils ont une souplesse, une résistance et une sûreté de marche remarquables ; ils connaissent admirablement le trot d'amble si agréable pour ceux qu'ils portent ; c'est à juste titre qu'on a vanté leurs qualités qui en font une race unique. Ils sont d'ailleurs indispensables dans ce pays où ils sont employés à tous les travaux et à toutes les besognes ; on ne conçoit pas un fellah sans son âne.
Leur exportation est interdite ; ainsi, un grand armateur de Marseille ayant voulu à toutes forces en posséder deux, fut obligé d'employer le stratagème suivant : après avoir eu les plus grandes difficultés à se les procurer, il dut les faire embarquer clandestinement par un de ses bateaux sur la côte du désert arabique, dans la mer Rouge. Ces animaux, transplantés, n'auraient d'ailleurs pas montré à Marseille les qualités qu'ils déploient dans le pays des Pharaons. Les ânes commencent à disparaître du Caire, à cause du développement des autres moyens de locomotion, voitures à chevaux, tramways électriques, omnibus, automobiles. (...)
En même temps qu'ils frappent à tour de bras les malheureuses bêtes, les âniers ne cessent de crier pour les exciter et pour dire aux gens de se garer : "riglak" gare aux pieds ! La circulation est fort difficile dans cette rue très encombrée, proche du bazar, et il y a forcément quelques pieds écrasés, d'autant plus que, suivant un usage très oriental, le passant, même prévenu de l'obstacle, ne se détourne du droit chemin qu'à la dernière seconde. Ceux qui ont été blessés ou même bousculés ne sont pas les seuls à crier, leurs voisins se mêlent au concert pour invectiver les âniers qui sont déjà loin. À certains moments, la situation devient très compliquée : c'est lorsque la route est envahie par un cortège matrimonial, une procession de circoncision ou un convoi funèbre : dans ce dernier cas, le vacarme est indescriptible, car, au bruit des litanies chantées par les hommes, aux hurlements des pleureuses, aux cris des gens qui ont le pied sensible et aux vociférations des autres se joint souvent le braiment des ânes."
extrait de Notes et croquis d'Orient et d'Extrême-Orient, 1908, par le Dr Albert-E. Le Play (1875-1964), docteur en médecine, biologiste, lauréat de la Société de géographie
En même temps qu'ils frappent à tour de bras les malheureuses bêtes, les âniers ne cessent de crier pour les exciter et pour dire aux gens de se garer : "riglak" gare aux pieds ! La circulation est fort difficile dans cette rue très encombrée, proche du bazar, et il y a forcément quelques pieds écrasés, d'autant plus que, suivant un usage très oriental, le passant, même prévenu de l'obstacle, ne se détourne du droit chemin qu'à la dernière seconde. Ceux qui ont été blessés ou même bousculés ne sont pas les seuls à crier, leurs voisins se mêlent au concert pour invectiver les âniers qui sont déjà loin. À certains moments, la situation devient très compliquée : c'est lorsque la route est envahie par un cortège matrimonial, une procession de circoncision ou un convoi funèbre : dans ce dernier cas, le vacarme est indescriptible, car, au bruit des litanies chantées par les hommes, aux hurlements des pleureuses, aux cris des gens qui ont le pied sensible et aux vociférations des autres se joint souvent le braiment des ânes."
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