Félix Bonfils (1831-1885), Le Caire, Montagne du Mokattam |
"Le Vieux-Caire confine au désert. En deux pas, on a quitté l'ombre de ses ruelles pour déboucher dans le soleil et dans la poussière des décombres. Pas de transition : quelques masures ruinées, quelques vieux fours à briques, et puis les mamelons désolés, sans une herbe, sans autres cailloux que des débris bien ou mal pulvérisés succédant l'un à l'autre, des sentiers battus par le pas des animaux ou des voyageurs, incessamment piétinés, aussi recouverts et nivelés par la poussière en mouvement. On circule à travers ces mornes monticules ; on a devant soi, beaucoup au-dessus, la chaîne escarpée du Mokattam qui continue vers le Midi, et on soupçonne, entre ce dernier rempart lointain et la zone torride qu'on escalade, une assez large vallée : c'est la vallée des Mamlouks.
On y arrive par un chemin plus large, dur au pas, une légère couche de sable ou de terre sablonneuse sur de la pierre. La couche sonore est à fleur du sol.
Très bel aspect de la vallée. C'est autre chose que la vallée des Khalifes à laquelle elle fait suite.
Peu de monuments saillants, sauf une mosquée isolée, à l'extrémité de la nécropole, et en marquant l'entrée du côté du désert ; mais le Mokattam est superbe. L'étendue de l'horizon est immense, et la dernière, l'extrême ligne cendrée, filée comme à la règle, à la base du ciel, et si finement lavée d'une teinte d'opale, donne une première idée charmante de cette chose grave, solennelle, monotone souvent, redoutable quelquefois, jamais ennuyeuse, qu'on appelle le désert.
C'est ainsi que je l'ai vu partout apparaître, de très loin, entre des collines de sable fauve, ou de terre très claire, aplati, infini et n'ayant d'autre couleur que la couleur idéale de la distance, de la solitude et de la lumière."
extrait de Voyage en Égypte, 1869, par Eugène Fromentin (1820-1876), peintre et écrivain
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