Circa 1895, vintage photochrome |
“Il faut aimer la vie orientale, les rêveries prolongées et les contemplations sans fin, pour se plaire longtemps au Caire. En huit ou quinze jours, on peut avoir vu tout ce qu'il y a de remarquable dans cette ville ; mais, si l'on veut s'imprégner de son esprit et en analyser le charme séducteur, de longs mois ne sont pas de trop. Pour mon compte, j'en ai passé cinq dans une inaction à peu près complète, sans m'ennuyer une seconde, sans regretter l'activité européenne, dont on se déshabitue si vite sous un climat endormant. Les plaisirs actuels du Caire sont cependant bien peu variés.
Visiter pour la centième fois le Khan Khalil, se reposer sous les ombrages de l'Esbekieh, faire une partie d'âne le long du Nil, aller voir coucher le soleil du haut de la colline du Mokatam, errer sans but dans des ruelles qui ne finissent jamais, passer des heures entières à contempler un détail d'architecture, un groupe pittoresque, un délicieux assemblage de couleurs, etc. etc. quoi de plus monotone en apparence ! Mais, si l'on a l'imagination et le cœur remplis de fantaisies orientales, si l'on est poursuivi par les souvenirs des “Mille et une Nuits”, si, d'ailleurs, l'esprit est excité par l'observation d'un monde tout nouveau, on ne sent pas le temps s'envoler ; il glisse sans laisser de traces, les journées succèdent doucement aux journées, et, lorsqu'on veut se rendre compte de la manière dont on a vécu durant une semaine, on s'aperçoit souvent, après un examen de conscience rigoureux, qu'on ne s'y est pas occupé d'autre chose que d'un palmier dont la cime se balançait au vent, ou d'une teinte particulière qui, chaque jour, à la même heure, venait colorer de nuances légères les ondulations du désert lointain.”
(extrait de “Cinq mois au Caire et dans la Basse Égypte”, 1880)
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