“Je visitai le lac avec des pêcheurs du bourg maritime d'El Matarîyéh. Il est grand, semé d'îles, et séparé de la mer par une langue de terre fort mince. Il égale en superficie le duché de Saxe-Meiningen, et est si richement peuplé d'oiseaux de toute espèce, que le savant Brehm affirmait qu'ils consommaient chaque jour pour leur nourriture soixante mille livres de poisson. L'histoire bien connue du baron de Münchhausen qui, avec la baguette en fer de son fusil, avait percé et embroché d'un bout à l’autre toute une bande de canards, paraît ici moins invraisemblable : surtout au temps de la couvée, des masses innombrables d'hôtes ailés habitent les petites îles et les fourrés de roseaux du lac. (...)
Canards, oies chenalopex, cigognes, hérons, pélicans, ‘Abou monâs’ et flamands aux riches couleurs, dont quelques chasseurs seulement parmi les gens de Menzaléh connaissent les stations, mouettes, hirondelles de mer, aigles et faucons dorés ou noirs qui tuent à leur tour les meurtriers ailés du poisson, se trouvent assemblés par légions dans ce paradis d'oiseaux.
Le chasseur, qui va d’île en île, peut ici faire un butin immense, surtout lorsqu'il sait diriger son petit bateau de sa propre main. L'eau est presque partout peu profonde et ne submerge les îles les plus basses que pendant le temps de l’inondation. Les plus hautes de ces îles sont nommées ‘Gebel’, “montagnes”, par les pêcheurs.
Des images ineffaçables d’un monde où la main de l’homme ne s’est encore fait que peu sentir, d’une nature exubérante comme aux premières époques, calme et pourtant riche de vie, s’imposèrent à mon esprit, tandis qu'un bateau pêcheur de Matariyèh grossièrement ponté me promenait sur ce lac, qui aujourd'hui encore fait la joie du chasseur, et peut-être, nous pouvons dire certainement, un jour, dans quelques dizaines d'années, sera rendu à la culture.”
(extrait de “L’Égypte”, traduction de Gaston Maspero, 1883)
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