Le Caire: vue de la place appelée el Roumeyleh et de la Citadelle :
dessin d'André Dutertre (1753-1842) - Source : Galllica
Nous ne visitons pas tout, cela va sans dire, mais nous visitons, munis des grosses pantoufles sacramentelles, la belle ou plutôt riche mosquée en albâtre de Méhémet-Ali, commencée par ce prince et qui renferme aujourd'hui son tombeau ; tous les styles s'y trouvent, sauf le mauresque ; le palais du vice-roi actuel, architecture orientale, meubles de Paris, tentures de Damas ; l'étroite place où furent massacrés le 1er mars 1811 les Mamelucks, dont un seul échappa, dit la légende, en lançant son cheval sur la ville ; nous avons la même légende à Berne. Nous visitons encore l'immense puits qui porte le nom de Joseph, ou Youssouf, qui fut creusé à la fin du 12° siècle par Joseph Saladin, Youssouf Salah el Din, et que la tradition fait remonter à Joseph le patriarche, le gouverneur de l'Egypte, quoique la ville du Caire ne date elle-même que de l'an 969. Elle fut fondée par le général fatimite Gowher qui, à la suite de ses conquêtes, la nomma El-Kahira, la victorieuse.
L'ancienne ville, Fostat, aujourd'hui le Vieux-Caire, était située un peu plus au midi, en amont du fleuve ; peut-être selon quelques-uns l'antique Memphis, la capitale des Pharaons depuis Moïse, était-elle située encore à 3 ou 4 lieues plus au sud, non loin de Sakkarah. Il est donc bien difficile de s'orienter dans la recherche des souvenirs bibliques, soit qu'il s'agisse de Joseph ou du jeune Moïse exposé sur les eaux. Mais le puits n'en reste pas moins une merveille des temps anciens par sa forme, sa largeur et sa profondeur, qui est de 95 mètres ; il est taillé dans le rocher, et l'on peut y descendre par une spirale en pente douce.
Mais je l'ai dit, ce qu'il y a de plus beau, c'est la vue dont on jouit des terrasses de la citadelle. D'un côté la ville avec sa forêt de clochetons et de minarets, ses coupoles, ses mosquées, ses places depuis la Roumélieh jusqu'aux sycomores de l'Esbékiéh près de la gare ; ces rues qui se dessinent si nettement, les casernes du Karameïdan, les tombeaux des califes ; un peu plus loin des palais d'albâtre qui, parallèlement à la grande allée semblent réunir le Caire à Boulaq où se trouvent dans le Musée de M. Mariette, tous les dieux de l'ancienne Égypte avec un certain nombre de souverains desséchés. En remontant vers la gauche, l'oeil rencontre le palais et les jardins d'Ibrahim-Pacha qui bordent le Nil sur une longueur de 3 kilomètres, et qui sont l'une des plus belles créations de Méhémet-Ali, une conquête sur d'énormes amas de décombres et d'immondices. À gauche encore le Vieux-Caire, le Nilomètre, le Nil avec sa vigoureuse végétation. Enfin les pyramides qui malgré la distance se distinguent parfaitement et tranchent sur le sable du désert et sur l'azur du ciel. Si l'on regarde vers le nord, on a les vertes plaines et le commencement du Delta ; vers l'Orient, les hauteurs du Mokattam et les approches du désert par un chemin qui mène à la forêt pétrifiée."
extrait de Souvenirs d'Orient : Damas, Jérusalem, le Caire, 1875, par Jean-Augustin Bost (1815-1890), théologien, pasteur de l'Église réformée de France
Mais je l'ai dit, ce qu'il y a de plus beau, c'est la vue dont on jouit des terrasses de la citadelle. D'un côté la ville avec sa forêt de clochetons et de minarets, ses coupoles, ses mosquées, ses places depuis la Roumélieh jusqu'aux sycomores de l'Esbékiéh près de la gare ; ces rues qui se dessinent si nettement, les casernes du Karameïdan, les tombeaux des califes ; un peu plus loin des palais d'albâtre qui, parallèlement à la grande allée semblent réunir le Caire à Boulaq où se trouvent dans le Musée de M. Mariette, tous les dieux de l'ancienne Égypte avec un certain nombre de souverains desséchés. En remontant vers la gauche, l'oeil rencontre le palais et les jardins d'Ibrahim-Pacha qui bordent le Nil sur une longueur de 3 kilomètres, et qui sont l'une des plus belles créations de Méhémet-Ali, une conquête sur d'énormes amas de décombres et d'immondices. À gauche encore le Vieux-Caire, le Nilomètre, le Nil avec sa vigoureuse végétation. Enfin les pyramides qui malgré la distance se distinguent parfaitement et tranchent sur le sable du désert et sur l'azur du ciel. Si l'on regarde vers le nord, on a les vertes plaines et le commencement du Delta ; vers l'Orient, les hauteurs du Mokattam et les approches du désert par un chemin qui mène à la forêt pétrifiée."
extrait de Souvenirs d'Orient : Damas, Jérusalem, le Caire, 1875, par Jean-Augustin Bost (1815-1890), théologien, pasteur de l'Église réformée de France
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