Halte à l'oasis, par Charles-Théodore Frère (1814-1888) |
Une légère brise s'était levée, les voix profondes de la forêt murmuraient sur les lagunes, et des vols d'oiseaux aquatiques y sillonnaient l'air assombri, en laissant après eux comme le bruit d'un long soupir.
Nous reprîmes ensuite notre route sur les digues ; des groupes de fellahs à la physionomie riante s'y rendaient de toutes parts et s’acheminaient vers leurs villages dont les habitations, par leurs formes, rappellent de loin les monuments antiques. Parfois, sur le bord du chemin, se trouvait arrêté quelque vieillard des tribus bédouines, de figure hautaine et drapé dans ses longs vêtements noirs et blancs, comme les patriarches bibliques dont il semblait une vivante image.
La dentelure noire des pyramides échelonnées dans les sables éternels se dessinait sur les derniers feux du couchant, et des caravanes de chameaux y profilaient encore leurs silhouettes bizarres qui se meuvent d'un pas lent, monotone et cadencé comme les mélopées qui se chantent le soir en Orient.
Il faisait nuit quand nous atteignîmes la rive du Nil ; mais c'était une nuit resplendissante où la brise douce et tiède apportait par instant ces arômes et ces harmonies vagues du désert où l’on croit saisir le murmure des millions d'âmes ou d'ombres errantes qui sortent des abîmes du temps et ne retrouvent plus d’apaisement sur le champ bouleversé de la nécropole."
extrait de L'Égypte à petites journées : le Caire d'autrefois, 1910, par Arthur Rhoné (1836-1910)
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