"L'Égypte moderne pose, devant nous, des problèmes qui viennent de la nature, de la situation, des hommes, du mouvement de l'histoire, mais aussi de certaines conditions permanentes qui, elles, ne changent pas. Je les sens qui nous accompagnent, en quelque sorte, tandis que nous parcourons ces belles rues, que nous entrons dans les boutiques, que nous nous perdons dans les détours du bazar, que nous écoutons ce qui se dit, que nous lisons ce qui s’écrit. On sent que ce monde qui s’agite, que cette population qui se presse, que ces tranquilles citoyens assis au café et qui se parlent à l'oreille, ont, en eux, quelque chose qui ne s’apprend pas, qui vient de très loin dans les âges et qui se transmet des pères aux enfants dans une intangible hérédité. Quelle sagesse il faut pour bien comprendre ce peuple et quel tact pour le diriger !
Et voilà qu’on renforce ou qu’on déplace un de ces éléments mystérieux en rendant l’inondation du Nil de semestrielle, pérenne. Que produira ce changement ? - Jusqu'ici, les poussées alternatives donnaient, à elle-même, un aspect de précarité, de fragilité. Les fortunes se construisaient vite, se délabrant de même. On se confie au fils, dit un de nos interlocuteurs (et c’est encore une légende de l’ancienne Égypte). Mais le fils a manqué souvent à l'espoir qui se reportait sur lui. Le père devient, ainsi, orphelin. La vie trop dense, trop violente, se gave de richesse, et tombe de lassitude. Elle étoufferait de graisse si, à creuser sa tombe, elle ne trouvait le sol maigre qui, lui, ne s’use pas. Et voilà que tout, antiquité et progrès, lassitude et ardeur à vivre pèse, à la fois, sur le présent. Quelle complexité !
Et voilà qu’on renforce ou qu’on déplace un de ces éléments mystérieux en rendant l’inondation du Nil de semestrielle, pérenne. Que produira ce changement ? - Jusqu'ici, les poussées alternatives donnaient, à elle-même, un aspect de précarité, de fragilité. Les fortunes se construisaient vite, se délabrant de même. On se confie au fils, dit un de nos interlocuteurs (et c’est encore une légende de l’ancienne Égypte). Mais le fils a manqué souvent à l'espoir qui se reportait sur lui. Le père devient, ainsi, orphelin. La vie trop dense, trop violente, se gave de richesse, et tombe de lassitude. Elle étoufferait de graisse si, à creuser sa tombe, elle ne trouvait le sol maigre qui, lui, ne s’use pas. Et voilà que tout, antiquité et progrès, lassitude et ardeur à vivre pèse, à la fois, sur le présent. Quelle complexité !
Le fond des pensées, naturellement, nous échappe ; ici, plus que nulle part ailleurs, insaisissable, précisément parce qu’un immense passé mal connu s’y attarde. Le sphinx reste l’emblème. Peuple aux démarches souples et insinuantes ! On voit le pli du roseau sans deviner le sens du courant."
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