samedi 12 octobre 2019

Les hypogées de Scheykh-Abd-el-Qournah "ne laissent pas de captiver par le détail de travaux et de professions qu'aucun autre monument ne présente avec la même fidélité" (Charles Viénot)

 
tombe de Rekhmirê - illustration extraite de https://www.osirisnet.net 
"On n'a jamais fini avec les tombes égyptiennes. Nous nous imaginions avoir visité hier les plus remarquables, or voici qu'on nous promet d'autres merveilles dans les rochers d'une des collines enserrant Deir-el-Bahâri. À la vérité, il ne s’agit plus ici de royales sépultures, mais, pour être consacrés à des cendres moins augustes, les hypogées de Scheykh- Abd-el-Qournah ne laissent pas de captiver par le détail de travaux et de professions qu'aucun autre monument ne présente avec la même fidélité. 
La principale excavation porte le n° 35, et le nom d'un personnage appelé Rekhmara, dont on ne sait rien, si ce n’est qu'il vécut sous le règne de Thoutmès III. Les chambres n’y ont pas la même ordonnance qu'aux tombeaux des rois : plus de couloir en pente rapide, mais une salle pour les visiteurs ; à la place du sarcophage, un puits de momie.
Sans nous arrêter au défilé des étrangers amenant, selon la coutume, toute sorte de tributs, nous pouvons contempler enfin sur l'original ces tableaux si connus, si vrais des métiers égyptiens. Nulle part n'a été figuré comme ici le travail du sculpteur. C’est une statue assise, un sphinx étendu qu'on s'occupe à polir. Deux praticiens, à la tête rase, nettoient la pierre : l'un tient un vase d’eau, l’autre un bâton garni de chiffons ; un homme les surveille, sans doute l'artiste, il a des cheveux ! Plus loin, trois étages de planches se dressent autour d'un colosse debout, à demi engagé dans le bloc. À la hauteur du front, l'ouvrier assis, une jambe repliée sous le corps, l’autre pendante, frotte le pschent d’une seule main, laissant retomber la gauche sur sa cuisse ; vis-à-vis, son compagnon armé d’un encrier et d’un pinceau, trace au dos les contours des hiéroglyphes qu’entaillera le graveur. Quoi de plus naturel que l’abandon de ces poses ? ce n’est pas le modèle, c’est l'artiste qu'elles nous font voir.
La scène du tribut payé en blé est rendue avec le même bonheur ; on y distingue nettement cette hiérarchie de la taille humaine qui a été si longtemps le principe de l'iconographie. Selon l'importance de leur charge, les officiers du roi se rapprochent plus ou moins du simple contribuable ; le roi domine sur tous, il a dix fois la hauteur de ses sujets. 

Le tableau le plus important au point de vue de l’histoire est le chantier pour la fabrication des briques. Aucun trait n’y fait défaut : la terre, gâchée à l’aide de cet instrument en forme de compas, qui est le type des outils égyptiens, la mise en moule, l’exposition au soleil, le transport des matériaux, jusqu'aux vertes eaux du bassin semé de nénuphars, tout est représenté avec une scrupuleuse minutie. Dans ces ouvriers, distingués par leur couleur, leur taille, l’usure de leurs vêtements, des surveillants qui les mènent à la baguette, dans ces "captifs pris par Sa Majesté pour construire le temple de son père Ammon", faut-il voir les Aperiu mentionnés par deux documents du temps ? Ramsès II se servit certainement d'étrangers pour ses constructions, et nul doute que les Hébreux n'aient payé cet onéreux tribut, puisque le fondateur du Ramesseion passe à bon droit pour le premier Pharaon persécuteur ; mais en conclure que les ouvriers de ce tombeau sont des Hébreux, c’est outrepasser la certitude, c’est s'exposer à des contradictions que de nouvelles découvertes peuvent rendre victorieuses."

extrait de Les bords du Nil - Égypte et Nubie, 1886, par Charle(s) Viénot - aucune précision disponible sur cet auteur

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