vendeur de momies, par Félix Bonfils, circa 1875 |
"Le voyageur qui vient à Thèbes, et particulièrement à Qournah, pour faire des recherches archéologiques, doit s'attendre à y rencontrer bon nombre de difficultés de la part des habitants. Ces gens semblent avoir dans l'idée que le monopole des objets d'antiquité est leur patrimoine ; aussi ne manquent-ils jamais de regarder d'un oeil jaloux les Européens qui viennent remuer, par eux-mêmes, le sol dont ils ont en quelque sorte usurpé la propriété. C'est inutilement qu'on leur demande des renseignements. S'ils vous voient commencer quelques tentatives, ils cherchent à vous prouver qu'elles sont mal conçues, ou qu'elles ne portent que sur des terrains déjà déblayés et remués cent fois.
À l'arrivée d'un étranger soupçonné de vouloir faire des fouilles, ils interrompent celles qu'ils avaient commencées eux-mêmes ; ils profitent de l'obscurité de la nuit pour aller masquer avec de la terre l'entrée des hypogées qui promettaient d'heureux résultats, ou s'ils en laissent qui soient d'une découverte facile, on est certain d'y apercevoir d'abord des débris de momies, et tous les signes les plus manifestes d'une entière dévastation. Celui qui céderait à des conseils intéressés et se découragerait sur des apparences trompeuses et adroitement préparées, aurait certainement abordé d'une manière peu digne de l'intérêt qu'il est en droit d'exciter le champ de la Thébaïde le plus riche en antiquités, et n'emporterait qu'une idée erronée de ses vastes et nombreuses catacombes.
Les Arabes ou fellahs de Qournah habitent à l'entrée des hypogées ; et c'est dans les recoins de leurs profonds compartiments que sont cachées leurs collections d'antiquités. L'exhibition de ces collections se fait pièce à pièce, lorsqu'il se présente des acheteurs d'Europe. Les hommes ont leurs collections distinctes de celles des femmes ; la même collection appartient quelquefois à plusieurs Arabes associés. Le nombre de ces marchands d'antiquités n'est pas très considérable ; et ils passent pour les plus riches d'entre les fellahs, surtout depuis les visites fréquentes qu'ils ont reçues des Européens à partir de 1816."
extrait de Tableau de l'Égypte, de la Nubie et des lieux circonvoisins ; ou Itinéraire à l'usage des voyageurs qui visitent ces contrées, 1830, par Jean-Jacques Rifaud (1786-1852), membre de l'Académie royale de Marseille, de la Société Statistique de la même ville, de la Société de Géographie de Paris et de la Société Asiatique ; membre correspondant de la Société royale des Antiquaires de France, et membre correspondant de l'Académie de Nantes. Grand voyageur, passionné de fouilles archéologiques, il séjourna en Égypte treize années.
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