Temple d'Amon (Louxor), colonnade vue du Nil - photo d'Émile Brugsch (1842-1930) |
Notre véritable introducteur est, aujourd’hui comme hier, l'excellent Chinouda Magarios. Avec un pareil interprète, on lit toutes ces merveilles comme on parcourt un livre. Les apothéoses d'Amenhotep, les scènes guerrières, les victoires de Rhamsès, les peintures religieuses, nous sont expliquées, commentées, détaillées, ainsi que la veille à Karnak. Rien n'a de secret pour nous, ni les symboles, ni les hiéroglyphes, ni les cartouches.
Les ruines de Louxor ne sont, en réalité, qu’une suite de colonnades. Mais, ces colonnades sont les plus belles du monde. Des pylônes de Rhamsès à l'extrémité du naos, nous traversons, sans pouvoir assez regarder et rassasier nos yeux, une série incomparablement grandiose des plus admirables péristyles, des plus éblouissantes galeries. Il y a là une vision de choses qui tiennent du rêve et qui, dans la rutilante lumière dont les inonde la radiation matinale, nous font, par instants, croire à une illusion de mirage. Jamais, ni dans les impeccables délicatesses de l’art grec, ni dans l’envolée surnaturelle de nos cathédrales, ni dans l'écrasante majesté d’Ipsamboul ou la prodigieuse puissance des splendeurs de Karnak, je n'ai senti, au fond de mon âme, l'impression empoignante, l’intense et dominante émotion, la surprise toujours renouvelée et saisissante, dont Louxor emplit et mon imagination et mon cœur. Aucun monument, ni ancien, ni moderne, aucun chef-d'œuvre d'architecture n’a, au même degré, la beauté religieuse. Nulle part, il n’y a, avec cette énergie et cette expression, le reflet des inspirations divines et l’irrésistible fascination de l'idéal éternel entrevu et réalisé dans la pierre.
Lentement, nous parcourons les longues nefs découronnées, dont le ciel bleu est désormais au lieu du plafond détruit, la radieuse coupole.
Jamais Rhamsès n’a plus insolemment posé, dans la statue artistement taillée qui nous regarde au coin du dromos encore ensablé. Les colosses du Roi gardent le pylône, et les siècles ont fatigué sur eux leur souffle impuissant. L’obélisque, dont le frère jumeau trône sur la place de la Concorde à Paris, veille ici solitaire et désolé."
extrait de En felouque sur le Nil, 1897, par René des Chesnais
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.