illustration extraite de l'ouvrage d'Owen Jones |
Cette vue est confirmée surtout par l'examen de l'ornement égyptien ; les types en sont peu nombreux, et ils sont tous des types naturels ; et la représentation ne s'écarte du type que très légèrement.
Mais plus nous descendons l'échelle de l'art, plus nous trouvons qu'on s'éloigne des types originaux ; à tel point que dans bien des ornements, tels que les ornements arabes et mauresques, il est difficile de découvrir le type original d'où l'ornement a été développé par les efforts successifs de l'esprit.
Le lotus et le papyrus qui croissent aux bords de leur rivière, symboles de la nourriture du corps et de l'esprit ; les plumes d'oiseaux rares qu’on portait devant le roi, comme emblèmes de la souveraineté ; le rameau du palmier, avec la corde torse faite de ses tiges : tels sont les types peu nombreux qui forment la base de cette immense variété d'ornements avec lesquels les Égyptiens décoraient les temples de leurs dieux, les palais de leurs rois, les vêtements qui couvraient leur personne, leurs articles de luxe ainsi que les objets modestes destinés à l'usage journalier, depuis la cuiller en bois, avec laquelle ils mangeaient jusqu'au bateau qui devait porter à travers le Nil à la vallée des morts, leur dernière demeure, leurs corps embaumés et ornés de la même manière.
En imitant ces types, les Égyptiens suivaient de si près la forme naturelle qu'ils ne pouvaient guère manquer d'observer les mêmes lois que les œuvres de le nature déploient sans relâche ; c'est pourquoi nous trouvons que l’ornement égyptien, tout en étant traité d'une manière conventionnelle, n'en est pas moins toujours vrai. Nous n'y voyons jamais un principe naturel appliqué mal à propos ou violé.
D'un autre côté, les Égyptiens ne se laissaient jamais porter à détruire la convenance et l'accord de la représentation par une imitation du type par trop servile.
Un lotus taillé en pierre, formant le couronnement gracieux du haut d'une colonne, ou peint sur les murs comme une offrande présentée aux dieux, n'était jamais un lotus tel qu'on pourrait le cueillir, mais une représentation architecturale de cette plante, représentation on ne peut mieux adaptée, dans un cas comme dans l'autre, au but qu'on avait en vue, car elle ressemblait suffisamment au type pour réveiller dans ceux qui la contemplaient l’idée poétique qu’elle devait inspirer, mais sans blesser le sentiment de la convenance. (...)
L'architecture des Égyptiens est parfaitement polychromatique, il n’y a rien qu'ils n'aient peint : c'est pourquoi nous avons beaucoup à apprendre d'eux sous ce rapport. Ils se servaient de teintes plates, et n'employaient aucune ombre ; et cependant ils ne trouvaient aucune difficulté à réveiller dans l'âme l'identité de l’objet qu'ils voulaient représenter. Ils employaient les couleurs comme ils employaient les formes, d'une manière conventionnelle.
Comparons la représentation du lotus avec la fleur naturelle ; avec quel charme les traits caractéristiques de la fleur naturelle sont reproduits dans la représentation ! Remarquons comme les feuilles extérieures sont distinguées par un vert sombre, et les feuilles abritées de l'intérieur par un vert plus clair ; tandis que les tons pourprés et jaunes de l’intérieur de la fleur sont représentés par des feuilles rouges flottant dans un champ de jaune, ce qui nous rappelle parfaitement le jaune éclatant de la fleur originale.
Nous y voyons l'art allié à la nature, et ce qui ajoute à notre plaisir, c’est la perception de l'effort de l'esprit qu'il a fallu pour l’accomplir.
Les couleurs dont les Égyptiens se servaient principalement, étaient : le rouge, le bleu, et le jaune, avec du noir et du blanc, pour définir les couleurs nettement et distinctement ; le vert s'employait généralement, mais point universellement, comme une couleur locale, pour les feuilles vertes du lotus par exemple.
Ces feuilles cependant se coloriaient, sans distinction, soit en vert soit en bleu ; le bleu dans les temps les plus anciens, et le vert pendant la période ptoléméenne : à cette époque, on ajoutait même le pourpre et le brun, ce qui ne servait du reste qu'à affaiblir l'effet. Le rouge qu'on trouve sur les tombeaux et sur les caisses à momie de la période grecque ou romaine, est plus faible de ton que celui des temps anciens ; et c’est, à ce qu'il paraît, une règle universelle que, dans toutes les périodes archaïques de l'art, les couleurs primaires, bleu, rouge, jaune, sont les couleurs qui prédominent et qui sont employées avec le plus d'harmonie et de succès. Tandis que dans les périodes où l'art se pratique traditionnellement, au lieu de s'exercer instinctivement, il y a une tendance à employer les couleurs secondaires ainsi que toutes les variétés de teintes et de nuances, mais rarement avec le même succès."
extrait de Grammaire de l'ornement : Illustrée d'exemples pris de divers styles d'ornement, 1865, par Owen Jones (1809-1874), architecte britannique, auteur de découvertes sur l’utilisation au cours des âges de la couleur dans la décoration.
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