illustration extraite de l'ouvrage de Maxime Legrand |
On admire, sur toutes ces rives, la fraîche végétation qui couvre tout, la richesse des moissons, l'activité des fellahs qui manœuvrent les seaux du chadouf, l'habileté avec laquelle sont disposés les travaux hydrauliques sur les biens des grands propriétaires fonciers, l'aspect pittoresque des bourgs, qu'on prendrait volontiers, de loin, grâce à leurs colombiers élevés, pour des temples ornés de pylônes.
Au commencement de décembre, on récolte le dourah, la principale des céréales de l'Égypte ; des essaims de pigeons volent autour de leurs demeures qui dominent les buttes des fellahs, passent comme des nuages à travers l'atmosphère ensoleillée, et s'abattent dans les champs pour prendre leur part du grain répandu sur le sol. Le fellah les entretient en grand nombre à cause de l'engrais qu'ils fournissent ; mais on a calculé qu'ils gâtent encore plus qu'ils ne rapportent, même dans les conditions les plus favorables. Le campagnard ne les repousse cependant pas, car personne ne se débarrasse plus difficilement que lui des vieilles coutumes.
Croirait-on qu'en dépit de tous les perfectionnements de l'outillage rustique, les fellahs emploient aujourd'hui encore la même charrue, la même houe, la même faux que leurs prédécesseurs d'époque pharaonique; qu'ils n'enlèvent pas la récolte en charrette, mais toujours et exclusivement à dos d'ânes, de chameaux ou d'hommes, et que, pour battre le blé, ils usent encore de l'antique machine qu'on appelle le noreg, dont la garniture de fer, à moitié ronde, sépare le grain de la tige, mais en cassant la paille?
Les champs de froment, d'orge, de trèfle, présentent l'aspect le plus agréable : c'est le moment où la tige sort de terre, et sa nuance tendre de vert émeraude fait un contraste heureux avec la teinte sombre des champs de canne à sucre et la couleur noire du sol. On cultive en plein champ, en dehors du dourah, le pavot, l'oignon, le haricot, la lentille ; dans les jardins, la tomate, l'aubergine, le poivre rouge,l'anis, le coriandre, le bammiah, le basilic, le concombre.
Ajoutons le lin, le chanvre, le maïs, le lupin, le safran, l'indigo, le tabac. Les environs de Siout sont remplis d'arbres à fruits et de nombreuses avenues qui en sont le principal ornement : dattiers, palmiers-doum, orangers et citronniers, parés de fleurs odorantes et de fruits éclatants ; et dans les jardins, des figuiers, des mûriers, des aubépines, des grenadiers. À côté de l'acacia, naturalisé en Égypte dès les temps les plus anciens, on rencontre l'acacia farnesiana, originaire d'Amérique, avec ses fleurs dorées qui exhalent un parfum de violette. Le lebakh donne une ombre épaisse ; celle du sycomore à large ramure est beaucoup plus douteuse. Rohlfs le range au nombre des arbres laids, à cause de l'écartement de ses branches ; et l'on ne saurait se dissimuler qu'auprès les palmiers élancés il n'a pas l'apparence élégante.
Les champs fourmillent d'hommes, qui se livrent en chantant à leurs nombreux travaux. L'œil et l'oreille sont également sollicités par l'animation et la diversité du spectacle."
extrait de La Vallée du Nil, époque contemporaine, 1892, par Maxime Legrand.
Aucune information fiable sur cet auteur. S'agit-il de l'avocat et historien étampois homonyme (1854-1924) ? Même si les dates peuvent autoriser le rapprochement, le point d'interrogation s'impose...
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