peinture d'Augustus Osborne Lamplough (1877-1930) |
Des dunes allongent leurs courbes molles et sans fin, et pas une aspérité ne vient en rompre le trait pur. Elles se croisent, se succèdent, se quittent et se rejoignent à travers l'immensité.
À nos pieds, des vallons ouvrent leurs creux sombres, et le sable dont ils sont revêtus est uni et miroitant comme une étoffe de soie. Des sentiers s'indiquent, tracés par les pieds lourds des chameaux, et leur ligne droite s'affine jusqu'à l'horizon... Le soleil baisse. Les ombres grandissent, s'étalent, se couchent. A l'Ouest, le ciel flambe, tout rouge. Vers l'Est, le Caire est inondé de lumière. Des Pyramides jusqu'au Mokattam, un immense voile rose semble étendu. Les Pyramides sont roses, le Nil débordé roule ses flots roses jusqu'au pied de la falaise. Des eaux tranquilles, émergent des villages aux maisons basses, qui se reflètent dans le fleuve avec une incroyable netteté ; la digue qui les relie à la terre est marquée d'un trait mince. (...)
L'air est d'une pureté insoupçonnable, d'une immobilité prodigieuse ; ni les feuilles ni les palmes ne bougent ; au-dessus de nous, pas un souffle : au-dessous de nous, pas un bruit. La vie de la nature semble interrompue.
Rapidement, le jour baisse. Et alors, c'est - pendant cinq minutes... dix minutes... que sais-je..: on perd la notion du temps... -, c'est la plus merveilleuse vision qui soit au monde !...
L'ombre descend sur la vallée du Nil, non pas l'ombre pesante et noire de nos pays du Nord, mais une ombre douce, légère, et transparente. Le fleuve, ses forêts, ses villages, ses lacs sont teintés de mille nuances infiniment tendres. On dirait que la lumière, avant de disparaître, veut les envelopper d'une dernière caresse. Les palmes les plus élevées, les plus hautes maisons des villages brillent, comme dorées ; plus bas, le Nil est mauve, violet, gris perle...
Une petite barque passe au loin, et son sillage plus foncé ride seul l'immobilité des eaux. C'est une paix qu'aucune parole humaine ne saurait traduire... Et le rose brille encore là-haut sur les minarets de la citadelle, il monte lentement le long de leurs pointes effilées ; une minute encore, et il s'est éteint... Derrière nous, brusquement, le soleil tombe et disparaît dans la splendeur vide... Et, aussitôt, presque sans transition, c'est la nuit. Le ciel est bleu clair, presque blanc. Les étoiles s'allument, leur scintillement se reflète dans les eaux calmes, et c'est la Lune, maintenant, qui argente, de sa lueur nacrée, l'inexprimable sérénité des choses..."
extrait de En Égypte, 1900, par Jacques Du Tillet (1857-1942), homme de lettres et critique français
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