Hiéroglyphe d'un vautour portant le flagellum ou Nekhekh - photo extraite de Pinterest (auteur du cliché non mentionné) |
Les Égyptiens débutèrent ainsi dans la pratique du dessin. Cet art, chez eux, doit être considéré comme une branche perfectionnée de l'écriture hiéroglyphique. Leurs prêtres, qui, sous l'autorité d'un monarque, formaient néanmoins dans l'état une sorte d’oligarchie, se tenaient en garde contre toute innovation qui pût porter atteinte aux préjugés sur lesquels s'appuyait leur crédit. Ils prescrivirent conséquemment aux statuaires et aux peintres du pays la forme emblématique des effigies de leurs diverses divinités. Eux-mêmes, peut-être, en fabriquèrent les premiers modèles. Ces types sacrés furent déposés dans l'intérieur des temples, et les copistes durent s'y conformer, dans la suite, avec la plus scrupuleuse exactitude : le moindre changement, un élan de génie de la part de l'artiste, eussent été punis comme un acte d'impiété. Quant à l'imitation des objets qui n'avaient pas un rapport direct avec les mystères du système religieux, cette imitation n'était pas aussi rigoureusement exigée. Quoi qu'il en soit, au temps où Platon fit le voyage de l'Égypte, les ouvrages de sculpture n'y différaient, en aucun point, du caractère de ceux qui avaient été exécutés mille ans auparavant. (...)
La profonde vénération dont les Égyptiens étaient pénétrés pour les morts, ne permettant pas la dissection des cadavres, leurs artistes n'avaient aucun moyen de bien connaître le jeu des muscles et le secret mécanisme des mouvements du corps humain. L'embaumement ne pouvait procurer aux sculpteurs ou aux peintres qui, par faveur, assistaient à l'opération, que l'inspection des entrailles. D'après cela, la nécessité de suivre ponctuellement, pour la forme de leurs figures, les modèles de première fabrication, doit-on s'étonner que les attitudes aient été presque toujours les mêmes ? Elles étaient raides et comme sans mouvement ; mais, dans l'ensemble, les proportions ne manquaient pas d'une certaine justesse. (...) Les statuaires égyptiens, nous le répétons, s'occupaient moins de la fidèle imitation des objets de la nature, que des moyens de rendre significatives leurs images symboliques ; ils ajustaient aux simulacres de leurs principales divinités des têtes de chien, des têtes d'épervier, des cornes de génisse, etc.
Les ibis, oiseaux du pays qui faisaient la guerre aux reptiles, les scarabées, emblèmes de la transmutation des corps, étaient figurés sur les pierres tumulaires, les obélisques et autres monuments publics. L'Andro-sphinx occupait, en qualité de gardien, l'entrée des temples. Les peintures des Égyptiens, enfin, composées d'objets également fantastiques, n'étaient que de grossières images, enluminées de teintes crues sans nulle intelligence de clair-obscur.
Les hiérogrammatées, collège de prêtres auxquels on confiait le soin des archives religieuses et civiles, se riaient entre eux de la crédulité d'une multitude ignorante qui, n'ayant aucun préservatif contre la séduction des sens, passait, sans s'en douter, d'un culte purement relatif, à l'adoration directe ; le vulgaire se prosternait devant l'animal vivant dont il avait remarqué l'empreinte dans l'alphabet sacré.
(...) les arts du dessin, en Égypte, restèrent constamment asservis aux préjugés religieux (...)."
extrait de Études sur l'histoire des arts, ou Tableau des progrès et de la décadence de la statuaire et de la peinture antiques au sein des révolutions qui ont agité la Grèce et l'Italie. Grèce, 1834, par Pierre Toussaint Dechazelle (1751-1833), peintre, littérateur, dessinateur lyonnais, mais également homme d’affaires, fabricant de tissus et à l’origine de la prestigieuse maison de soieries Prelle
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