mardi 6 novembre 2018

"Jamais ni la sculpture, ni la peinture ne sont devenues indépendantes chez les Égyptiens. Elles ne semblent faites que pour compléter l'architecture." (Max Dunker)

Piliers osiriaques à Karnak - photo Daniel Csörföly
"Les prêtres d'Égypte avaient aussi la haute main dans les travaux et les œuvres d'art. Ils fournissaient par privilège les plans des édifices, des temples, et ceux des tombeaux, car il s'agissait essentiellement de choses saintes, de mesures et de nombres sacrés. De même que l'architecture, la sculpture et la peinture étaient avant tout au service de la religion. Conformément au caractère du peuple, l'architecture égyptienne vise à la solidité et à la durée. Simples dans leurs grandes lignes, les édifices sont hauts, larges et massifs comme les chaînes de rochers qui bornent l'Égypte. Les plus anciens monuments que porte la terre, les pyramides, nous ont déjà montré jointe à une parfaite simplicité de forme, une habileté remarquable à tailler et à assembler de grandes masses de pierre. Engagée dans cette voie, l'architecture égyptienne y marche, adopte des formes plus riches, recherche l'ornementation, mais reproduit toujours plus ou moins la sévérité et la netteté du plan primitif. Jamais ni la sculpture, ni la peinture ne sont devenues indépendantes chez les Égyptiens. Elles ne semblent faites que pour compléter l'architecture, pour l'aider à fixer et à faire survivre au cours au temps l'image du roi, ses sacrifices et ses exploits, tel ou tel événement de son règne. 
La sculpture égyptienne saisit hardiment les formes par un procédé naïf et sobre, mais intelligent. Elle ne tombe point dans la symbolique de fantaisie. Elle assujettit à des proportions sûres la reproduction de la forme humaine, elle parvient à exprimer le mouvement par des traits caractéristiques ; elle attrape avec plus de bonheur encore la forme et le caractère des animaux. 
Comme l'architecture, elle choisit de préférence pour matériaux les masses les plus dures et les plus indestructibles. Ici comme ailleurs, le type une fois établi, le canon de proportion reçu, le procédé, la méthode et la forme restent et demeurent invariables. Curieuse d'une parfaite exactitude d'exécution, la sculpture semble se complaire à reproduire, sans jamais se lasser, dans la matière la plus rebelle, les mêmes figures plus géométriques pour ainsi dire que naturelles. Mais en dépit de ce caractère typique, il y a des progrès sensibles dans la sculpture et la peinture, comme dans l'architecture.
Si la statuaire du temps des pyramides, des Aménemha et des Sésortosis offre déjà pour l'époque une grande correction de forme, de la vie et de l'énergie dans l'expression de l'action, de la vigueur dans les parties musculeuses, les sculptures du nouvel empire se distinguent par la variété des formes, par la richesse des lignes, par la finesse du contour, par un dessin bien plus délicat des figures, par une grâce qui se soutient jusque dans l'exécution des plus fortes colonnes et des plus gros chapiteaux. Les Touthmosis et les Aménophis, les Séthos et les premiers Ramsès proposèrent ou commandèrent à la sculpture ésyptienne une multitude presque accablante de travaux, et c'est alors quelle atteignit son plus haut point. Mais comme elle ne pouvait pas s'écarter du type consacré, la plupart des œuvres et des sujets furent traités par une méthode de plus en plus conventionnelle, et on finit par se contenter de la précision des contours. La sculpture égyptienne porte ce caractère depuis les temps de Ramsès III jusqu'à ceux de Psammétique. À cette dernière époque elle renaît et brille par une imitation plus fidèle de la nature, par une expression plus aimable des formes du corps."

extrait de Les Égyptiens : histoire de l'antiquité, par Max Dunker (sic pour Duncker) ; traduction Mossmann.
 

Maximilian Wolfgang Duncker (1811-1886) était un historien et homme politique allemand

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