Tombe de Nébamon, vers 1350 avant notre ère, British Museum |
Nous pouvons aussi suivre, dans l'exercice de leurs professions, les divers corps de métiers. Les tisserands font aller leurs navettes, les cordonniers sont à leur échoppe, les collecteurs de grains amassent les provisions. Ici un médecin tue ses malades d'après l'ordonnance, et un fabricant de caisses à momies prépare leurs dernières demeures : là les potiers façonnent des ustensiles, et des portefaix, attachés à des câbles ; traînent avec effort un colosse de pierre, pendant que leurs aides humectent les cordages et graissent le sol factice sur lequel roule la pesante masse. Ce qui frappe surtout dans la représentation de ces travaux manuels, c'est la ressemblance des procédés. Il semble que les mêmes besoins aient toujours abouti à des résultats identiques.
À ne considérer que les apparences, l'existence des Égyptiens paraît douce et facile, et pourtant la condition des classes ouvrières était des plus dures. Ils gagnaient à peine de quoi nourrir leur famille. "J'ai vu le forgeron à ses travaux, écrivait un vieux scribe du temps de la douzième dynastie, à la gueule du four. Ses doigts sont comme des objets en peau de crocodile. Il est puant plus qu'un œuf de poisson. La nuit, quand il est censé être libre, il travaille encore après tout ce que ses bras ont fait...
Le tailleur de pierres cherche du travail... ses genoux et son échine sont rompus. Le barbier rase jusqu'à la nuit... Il se rompt les bras pour emplir son ventre... Quant au maçon, ses deux bras s'usent au travail, ses vêtements sont en désordre, il se ronge lui-même, ses doigts lui sont des pains ; il ne se lave qu'une fois par jour... Le tisserand est plus malheureux qu'une femme. Ses genoux sont à la hauteur de son cœur; il ne goûte pas l'air libre... Le cordonnier mendie éternellement. Sa santé est celle d'un poisson crevé. Il ronge le cuir pour se nourrir, etc."
Ces portraits sont sans doute trop chargés. D'ailleurs sous la salutaire influence de la religion, et grâce à l'activité de l'administration, sans parler de la beauté du climat et de la fécondité du sol, les Égyptiens oubliaient qu'ils n'étaient pas libres et ne s'occupaient que d'assurer leur bien-être."
extrait de Histoire ancienne des peuples de l'Orient jusqu'au premier siècle avant notre ère, 1879, par Paul Gaffarel (1843-1920), historien français, auteur de nombreuses publications sur Marseille et l’histoire coloniale, professeur à la faculté des lettres de Dijon.
Son Histoire ancienne des peuples de l'Orient jusqu'au premier siècle avant notre ère, éditée en 1879, fut adoptée par le Conseil de l’Instruction Publique pour les bibliothèques scolaires.
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