illustration extraite du livre de Georges Ebers |
Ce n'est pas seulement la partie instruite et cultivée des Occidentaux, c'est le monde entier qui connaît l'Égypte et les traits caractéristiques de son antiquité primitive. L'écolier, avant même d'apprendre le nom de son roi, a entendu raconter l'histoire du bon et du méchant Pharaon ; avant de savoir quels cours d'eau arrosent son pays, il a entendu parler du Nil, d'où sortirent les vaches grasses et les vaches maigres, et de ses rives bordées de roseaux, au milieu desquelles la princesse compatissante trouva la corbeille de jonc où était le petit Moïse. Qui ne connaît cette belle histoire dont le charme se fait sentir également à tout age de la vie, l'histoire de Joseph le vertueux et le sage, ainsi que le théâtre sur lequel elle se passa, cette vénérable Égypte où la mère de Dieu, fuyant les persécuteurs, trouva le salut pour elle et pour le Christ enfant ? Mais l'Écriture sainte, si elle est la première à nous introduire dans la vallée du Nil, est muette au sujet des pyramides, des palais, des temples, de toutes ces œuvres gigantesques de la main humaine, qui semblent ne pas être soumises à la commune loi de fragilité de toutes les choses d'ici-bas, mais avoir été préparées pour l'éternité. Et pourtant, qui, dès l'enfance, n'a pas entendu parler de ces monuments, auxquels les Grecs imposèrent le titre orgueilleux de Merveilles du monde ?
Une forme mathématique qui se rencontre fréquemment dans la nature, porte le nom de pyramide : c'est elle qui a pris ce nom aux constructions égyptiennes bâties sur le même principe, ce n'est pas elle qui le leur a donné. Nous appelons labyrinthe tout ce qui est embrouillé, disposé de façon obscure, complexe dans ses divisions : c'est à l'imitation du palais que construisirent les rois égyptiens, et dont les chambres présentaient une confusion telle qu'il était difficile d'en trouver l'issue. Toute pensée cachée sous sa forme mystique est pour nous un hiéroglyphe : c'est à cause des figures qui servaient d'écriture aux anciens Égyptiens. Chaque jour, à chaque heure, nous rencontrons, d'ordinaire sans en avoir conscience, des idées et des objets originaires du pays des Pharaons. Le papier sur lequel je trace ces mots doit son nom au papyrus égyptien, qu'on appelait aussi byblos, d'où le grec biblos et notre Bible. Il serait facile d'énumérer cent mots et cent notions analogues qui ont leur patrie en Égypte. S'il nous était permis de creuser plus à fond et de mettre à nu les racines de l'art et de la science occidentale, nous ne pourrions pas nous soustraire à la nécessité de remonter encore et toujours jusqu'à l'Égypte ; mais ce n'est pas ici le lieu de s'attarder à ces commencements.
Nous invitons le lecteur à nous suivre dans l'Égypte d'aujourd'hui. Elle a gardé son charme et son originalité, comme au temps où le Père de l'histoire disait d'elle qu'elle renfermait plus de particularités remarquables que n'importe quel autre pays ; de même que le climat y est réglé d'une manière inaccoutumée, et que le fleuve s'y distingue de tous les autres cours d'eau par sa nature, de même les habitants se distinguent de tous les autres hommes sous tous les rapports, par les mœurs comme par les lois.
Le Nil, avec ses débordements réguliers et fécondants, le climat, bien d'autres choses encore, sont telles aujourd'hui que les décrivait Hérodote : jusqu'à présent le temps n'a réussi que fort peu à dépouiller l'Égypte de sa singularité naturelle. Toutefois, les lois et les mœurs ont changé entièrement : l'érudit seul retrouve dans les usages actuels des souvenirs et des legs des temps passés."
extrait de L'Égypte, de Georges Ebers (1837-1898), égyptologue allemand.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.