photo : Marc Chartier |
Les anciens Égyptiens, la retrouvant partout dans la nature, partout l'ont mise dans les œuvres de leurs mains et de leur intelligence. Ils ne se sont fait une si haute idée de la mort que par contraste avec la vie, et ils ne pouvaient guère aimer la vie sans penser à la mort. Là est le secret curieux de leur conscience religieuse. Tous les bruits de leur civilisation, jour par jour, d'année en année et de siècle en siècle, s'en allaient se perdre dans les profondeurs muettes et éternelles de l'Arabie et de la Libye.
Ils sentaient bien qu'ils ne faisaient que passer eux-mêmes, et ils voyaient s'écouler les eaux de leur fleuve, et l'immuable désert autour d'eux leur parlait sans cesse d'immortalité. De presque tous les côtés sur leur horizon, ils voyaient écrit : pulvis es, et pourtant il leur semblait bien doux de vivre sous le beau ciel d'Égypte ! Comment donc ne leur serait-il pas venu au cœur ce prodigieux besoin qu'ils ont eu de durer même au delà de la vie, de durer après la mort encore ? Le Nil ne leur enseignait-il pas à lutter contre le désert, et la lutte contre le désert n'est-elle pas aussi une lutte de la vie contre la mort ? Tout le long de leur immense histoire, ils ressentent, au plus profond de leur âme, cette impulsion secrète de faire vivre à tout jamais la mort même.
À peine nés au monde, ils songent tous à y faire éternellement bonne figure ; et chacun, en même temps qu'il se construit une maison, travaille à construire et à orner son tombeau. Ils appellent leurs tombeaux des maisons éternelles."
extrait de L'Égypte à l'Exposition universelle de 1867, par Charles Edmond (1822-1899), "commissaire général de l'exposition vice-royale d'Égypte"
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