Philae |
Ce rapprochement est au moins curieux, et prouve une même croyance dans deux pays bien éloignés l'un de l'autre ; ce qui ne doit pas nous surprendre lorsque nous réfléchissons à l'origine commune des peuples et aux croyances des religions primitives, qui, sorties de la même patrie, devaient par conséquent aussi se ressembler et se continuer même en s'éloignant du centre primitif.
On nous objectera peut-être que, pour élever les pyramides, il faut une certaine science qu'on ne peut accorder à la civilisation à laquelle elles appartiennent selon nous. D'abord la forme extérieure est la plus simple qu'on puisse inventer. La construction intérieure est fort simple aussi ; ce ne sont que des couloirs et que des salles. Avec les matériaux employés, la coupe des pierres se réduit à peu de chose. Cette science se complique lorsqu'on a de grands espaces vides à couvrir, lorsqu’il y a des poussées et des culées à calculer, et lorsque surtout les matériaux sont tendres et de petites dimensions.
Une preuve de ce que nous avançons se trouve en Égypte même, où on connaissait la voûte fort anciennement, mais où on n’appréciait pas son économie de matériaux et de temps. Là, séquestré du reste du monde, de trois côtés par des déserts immenses, du quatrième par la mer, il fallait trouver les moyens d'employer la quatrième caste et la plus nombreuse, celles des villes ; et pendant les inondations du Nil, la troisième caste, celle des agriculteurs. Le despotisme des Pharaons, leurs richesses, la superstition et le besoin de vivre, firent entreprendre les palais et les temples gigantesques que nous admirons.
L’usage du fer a été connu en Égypte, dans des temps très reculés, car la nécessité le fit trouver. Il fallait absolument bâtir, et bâtir en pierre, puisqu’il n’y avait point de bois. Or, pour tailler la pierre, il faut du fer, et, si la taille perfectionnée des plus anciens monuments égyptiens, des pyramides, nous étonne, pensons que le frottement d’une pierre contre une autre produit des parements et des faces plus lisses que toute l'habileté et le talent de l’homme les peuvent produire. Mais où ce talent manque, il y supplée par la patience. C'est ce qui est arrivé souvent dans les temps primitifs.
Le commerce avec les étrangers n'était pas important chez les Égyptiens. Leurs manufactures et leurs marins n’absorbaient pas une masse considérable de la population. Ils n’ont jamais eu de flottes ; leur marine ne consistait qu'en barques, qui ne s’éloignaient pas des côtes. Lorsque le roi Néchâo, au commencement du septième siècle avant Jésus-Christ, si au reste l’histoire est vraie, lorsque ce prince, disons-nous, voulut entreprendre une expédition maritime, il n'en trouva pas même les moyens dans son royaume. Il fut obligé d’engager pour son entreprise des navires phéniciens et des hommes, qui de tout temps, pour ainsi dire, furent les maîtres de la mer et du commerce entre l’Europe et l’Asie occidentale.
La civilisation égyptienne est restée concentrée aux bords du Nil. Elle était antique, grande, belle, quoique restée sans imitation ; ses monuments sont là pour le prouver, et ce sont des témoins irrécusables. Mais une civilisation plus reculée encore existait dans l'Inde. Cette partie du monde ne nous offre pas de monuments d'une conservation telle que ceux de l’Égypte, parce que le changement des empires, les conquêtes et les dévastations ont passé sur eux et les ont réduits en ruines. L'Égypte, au contraire, dans un coin du grand théâtre de l’antiquité, a longtemps été épargnée ; et lorsque des conquérants sont venus la visiter, ils ont détruit tout ce qu'il était possible de détruire. Mais la solidité des monuments et le granite résistèrent à la vengeance des hommes. Voilà aussi pourquoi nous y voyons des monuments si anciens."
extrait de Manuel de l'histoire générale de l'architecture chez tous les peuples, par Daniel Ramée (1806 - 1887), architecte, historien de l'architecture, traducteur
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