temple d'Ombos, par Maxime Du Camp |
La campagne environnante est bien telle que je m'étais figuré la voir en Égypte. À l'horizon, assez borné d'ailleurs, on aperçoit le désert. Toujours le désert ! s'écriera-t-on peut-être. C'est vrai ; mais, au fond du tableau, il n'est pas à dédaigner ; plus que les montagnes, plus que la mer elle-même, il a ce je ne sais quoi d'inconnu et de nuageux qui sied bien aux horizons, à ces horizons que les peintres les plus habiles laissent si souvent dans le vague et l'incertain. L'entrée du désert, c'est le commencement de rien, où l'artiste s'arrête parce qu'il n'y trouve rien à représenter, et que l'art pas plus que la poésie n'est vide. Il est bien rare qu'on ait peint la mer, sans au moins un reste de bâtiment échoué sur le rivage, ou sans un oiseau ; et pourtant la mer a une vie par elle-même; elle se meut. Félicien David, dans son oratorio, chante plutôt la caravane que les solitudes affrontées par elle. Que pourrait donc faire le peintre de cette grande immobilité sans vie, sans impression, sans intérêt ? Il la laisse au fond du tableau, et s'il en indique le contour, c'est pour marquer les limites de son art, tout de poésie et d'amour.
Plus près de soi, et jusque sur les bords du fleuve, on voit la terre cultivée, cette vieille nourricière dans le sein de laquelle nous rentrerons, après en être sortis et nous en être nourris, cette mère prévoyante entre toutes qui travaille sans cesse pour allaiter ses enfants, et qui récompense avec tant de largesse ceux qui l'ont le plus courageusement soignée.
Puis enfin, près du grand fleuve, tout à fait sur la rive, les ruines du vieux temple : signature un peu effacée mais lisible encore de la grandeur passée des Égyptiens ; restes dégradés, dont chaque meurtrissure est comme un châtiment aux fils dégénérés qui n'ont pas su conserver cette antique splendeur, et comme un avertissement, une exhortation à la reconquérir un jour.
Un peintre qui voudrait représenter l'Égypte sous son triple aspect ne pourrait pas choisir un site plus heureux que celui d'Ombos ; à peine pourrait-il retrouver un ensemble analogue en Nubie, où pourtant le peu de largeur du terrain cultivable forçait les habitants à construire sur les bords même du fleuve.
Ce temple d'Ombos a été commencé sous le règne de Ptolémée Épiphane et continué sous ses fils Ptolémée Philométor et Évergète II. Du plus loin qu'on l'aperçoit, ses chapiteaux à fleurs de lotus épanouies indiquent bien l'époque ptolémaïque. Il est divisé dans toute sa longueur en deux parties et dédié à deux triades de divinités différentes et même ennemies. La partie droite est consacrée à Sévek, le dieu de la nuit, à tête de crocodile, à Hathor et à Khons ; la partie gauche, à Aroéris, le dieu de la lumière, et à deux divinités secondaires. Une inscription grecque dédicatoire, tracée sur le listel de la corniche intérieure, est adressée à Aroéris. (...) Dans l’autre partie, le dieu Sévek est représenté cent fois. On voit souvent Ptolémée Évergète II lui offrant un collier, ou quelque autre présent. Malheureusement, on ne peut guère visiter que le vestibule, le reste du temple étant ensablé"
extrait de Après bien d'autres : souvenirs de la Haute-Égypte et de la Nubie, 1873, par Victor Meignan (1846-19..?), voyageur et écrivain français
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