mardi 23 octobre 2018

L'enthousiasme d'Arthur Rhoné découvrant le Caire

Le Caire - mosquée et rue de la Citadelle, vers 1895 - auteur non mentionné
"On nous l'avait bien dit, dès les premiers pas on saisit toute la distance qu’il y a d’une capitale illustre et intacte à un lieu de transit où le mélange a tout altéré : le Kaire efface Alexandrie.
Mais comment décrire ce milieu d’enchantements où l'on entre, ce fouillis de rues, de venelles, de places irrégulières et charmantes de caprice, où chaque maison, chaque édifice presque est un chef-d'œuvre d’originalité délicate et pleine de sève ! Comment dépeindre ce calme dans les airs, cette lumière éblouissante où baignent les minarets sculptés, puis l'ombre intime et douce qui règne au fond des rues ! Ici tout est en fête, en joie perpétuelle : le pittoresque, la couleur, le mouvement règnent sans partage ; tout chatoie, miroite et bruit ; tout s'agite et poudroie, comme les atomes joyeux dans un rayon de soleil.
Au bruit argentin du harnais de nos petites montures alertes et vives, nous courons tout le jour sans nous arrêter, de rue en rue, de mosquée en mosquée, quittant la place inondée de soleil et de foule, où bat le tambourin du conteur arabe, pour nous enfoncer dans les mystères d’étroits passages où le ciel n'est plus qu'un filet de lumière éclatant qui serpente derrière les moucharabyéh à jour ; entrevoyant rapidement dans l'ombre fraîche des mosquées les croyants qui se plongent dans les fontaines d'ablutions ou s’abîment la face contre terre sur leurs beaux tapis harmonieux ; poursuivant les caravanes jusque dans les cours des okels à arcades, où les chameaux fatigués mugissent en s’agenouillent au milieu des ballots qui roulent dans tous les sens du sommet de leur dos poudreux.
C'est une vision rapide que nous venons d’avoir ; mais, puisqu'il n'est pas encore question du voyage de l'isthme, nous allons pouvoir nous lancer dans ces délices et ces merveilles d'un autre âge, marchander toutes les tentations des bazars, enfourcher tous les ânes et faire aboyer tous les chiens !"
 

extrait de L'Égypte à petites journées : études et souvenirs : Le Kaire et ses environs, par Arthur Rhoné (1836-1910)

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