photo datée de 1860 - auteur non mentionné |
La vallée du Nil est enchâssée entre la chaîne Arabique qui la borde étroitement à l'Est, et la chaîne Libyque qui la limite à l'Ouest.
Si vous y ajoutez les amas de montagnes pelées et les sables arides par lesquels, à l'Orient, la chaîne Arabique se prolonge jusqu'à la mer Rouge, et, à l'Occident, les pentes calcinées qui relient doucement la chaîne Libyque au désert qui porte son nom, vous aurez déterminé la surface à laquelle on donne le nom d'Égypte.
Elle représente deux cent millions d'hectares environ ; mais la partie que le Nil inonde et fertilise ne compte pas plus de 2,500,000 hectares. Cette surface fécondée, c'est la vallée du Nil proprement dite ; le reste est sans valeur économique ; c'est le domaine des incandescences solaires ; vous n'y trouveriez pas une herbe, à l'exception de quelques points microscopiques, perdus dans cette immensité, mourant de soif en réalité, et qu'on décore du nom d'oasis.
Dans cet encadrement de solitudes brûlantes, sur lesquelles lumière et chaleur semblent se livrer bataille pour l'empire, la vallée du Nil se déroule, verdoyante, embaumée, souriante et silencieuse, comme le sphinx qui la fixe des hauteurs de Gizeh. Ne lui demandez point les hautes futaies, ombreuses et sévères, de notre humide Europe, ni les plantureuses végétations de la mer des Indes ou de l'Amérique tropicale. Il n'y a pas une forêt en Égypte ; il n'y a que des bois de palmiers, mélangés parfois de mimosas, de tamarix, de caroubiers ou de sycomores, formant presque toujours ceinture autour d'un village. Tout le reste du sol est en cultures, froment, fèves, maïs, canne à sucre, graminées de toutes sortes pour le bétail. Mais, sous ce ciel d'un bleu incomparable, dans une atmosphère que le poumon absorbe comme une friandise, dans ce cadre de montagnes, éblouissantes de clartés et de coloris variés suivant l'heure de la journée, cet ensemble de verdure prend une étonnante valeur, tantôt de contraste, tantôt d'harmonie, toujours de paix et de savoureuse langueur.
C'est aussi qu'il est un dieu dans ce séjour bienheureux ; un dieu qui, depuis que le monde est monde, donne tout et n'exige rien ; un dieu qui, bien avant qu'il y eût une histoire, molécule par molécule, édifiait la vallée d'Égypte ; le Nil enfin, qui fut adoré, dont nous retrouverons les autels enfouis pendant tant de milliers d'années ; le Nil, dont nous reparlerons bien des fois et qui est, à lui seul, l'alpha et l'oméga, toute la vie et la raison d'être de l'Égypte."
extrait de Égypte et Palestine, par Émile Delmas (1834 - 1898), armateur et homme politique français
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