lundi 22 octobre 2018

Le temps de la moisson, dans l'ancienne Égypte, par Jean Louis Antoine Reynier

tombe de Menna (nécropole thébaine)
"On moissonnait (dans l'ancienne Égypte) avec des faucilles ; ce procédé est représenté dans les anciennes peintures : on y voit aussi que des hommes transportaient la récolte dans de grands paniers. Serait-ce que l'artiste n'a pas voulu peindre des ânes sur les murs des monuments religieux, ou bien qu'alors on se bornait à couper les épis, laissant la paille pour la récolter à mesure des besoins ? L'ordre donné aux Juifs, de se procurer eux-mêmes celle nécessaire pour la fabrication des briques qu'ils devaient fournir, serait en faveur de cette dernière opinion ; il est cependant difficile de l'admettre, car, dans un pays où la paille est aussi nécessaire, puisqu'elle forme la base principale de la nourriture des bestiaux, on n'aurait pas adopté une méthode qui en aurait fait perdre une grande partie. 
Le dépiquage, c'est-à-dire la séparation du grain d'avec la paille, y est représenté comme étant fait par des animaux qui marchent sur les gerbes stratifiées, procédé pareil à celui qu'on emploie dans tout le midi de l'Europe. On emploie maintenant le norreg, instrument dont les Romains ont eu connaissance et qu'ils ont nommé chariot punique. Varron dit qu'on en faisait usage en Syrie, à Carthage et en Espagne ; son silence, relativement à l'Égypte, n'est pas une preuve qu'on ne l'avait pas encore adopté, puisqu'il n'y a pas voyagé. On ne peut rien inférer des anciennes peintures, où cet instrument ne paraît nulle part, puisque les scènes, qui y sont représentées, se rapportent toutes aux époques les plus anciennes de l'agriculture , les seules qu'on reproduisait sur les monuments religieux. Ainsi, lors même que l'exécution de quelques-unes de ces peintures paraîtrait d'une date plus récente, elles ne seraient pas une preuve pour le temps où elles auraient été exécutées, puisqu'elles n'étaient qu'une reproduction d'un modèle antérieur. On séparait le grain de ses bales en le jetant en l'air, pendant qu'il soufflait un vent modéré ; il portait au loin les substances plus légères, tandis que le grain retombait, entraîné par son poids ; on achevait ensuite de le purifier avec des cribles, formés de fibres de papyrus.
La récolte faite, dépiquée et nettoyée, un nouveau temps d'inaction recommençait pour le cultivateur, et se prolongeait jusqu'après l'inondation suivante. Ainsi toute sa vie rurale se bornait, pour les terres arrosées par l'inondation, à deux époques bien courtes de travail, celle des semailles et ensuite celle des récoltes ; tout le reste de l'année, ses champs ne réclamaient ni ses soins, ni ses regards. Nulle part, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, la nature ne fait autant pour l'homme et exige de lui moins de travail."

extrait de De l'économie publique et rurale des Égyptiens et des Carthaginois, 1823, par Jean Louis Antoine Reynier (1762-1824), naturaliste suisse, ayant fait partie de l'expédition d'Égypte, en qualité de directeur des revenus en nature et du mobilier national

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