C'est bien ici le pays de la couleur et de la lumière ! La couleur, elle s'étale partout, riche et splendide ; la lumière, elle ruisselle et éblouit. C'est une fête perpétuelle pour les yeux. Tout leur est spectacle et enchantement. À côté d'un chef-d’œuvre d'architecture, un rien les étonne et les charme ; une porte de mosquée en ruine, une échoppe de marchand, un coin de rue tortueux avec ses fenêtres sculptées et ses balcons treillages : voilà, tout un tableau, et un tableau charmant si un rayon de soleil vient en animer les détails. Que de fois, en parcourant les rues du Caire, nous nous sommes arrêtés tout à coup pour admirer quelqu'un de ces effets magiques de couleur, de ces jeux merveilleux de l'ombre et de la lumière. Je me souviens entre autres d'un carrefour situé, je crois, à l'extrémité du bazar des étoffes. Une vieille mosquée s'élevait d'un côté, avec ses murs rayés de blanc et de rose ; de l'autre, de grandes maisons aux fenêtres étroites et grillées. Des frises de la mosquée aux terrasses des maisons étaient tendues des toiles, des nattes, des tapis, destinés à tempérer l'ardeur du jour. Mais, à travers ces tentures à demi pendantes, glissaient jusqu'à terre quelques rayons de soleil qui, projetant sur les masses d'ombre comme des îles de lumière, faisaient briller par places la foule bariolée et mouvante, et étinceler aux étalages des marchands les soies chatoyantes et les étoffes brochées d'or et d'argent. Cadre et personnages, caractère et costumes, contraste vigoureux des clartés et des ombres, nous avions là sous les yeux une de ces scènes qu'affectionne et qu'a reproduites vivantes sur la toile le pinceau de Decamps."
extrait de Un hiver en Égypte, par Eugène Poitou (1815-1880), conseiller à la Cour impériale d'Angers
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