photo : A. Beato |
Près de l'endroit où se pratiquent (d)es fouilles est un temple qui a plutôt l'air de n'avoir point été achevé que de tomber en ruine ; il est maintenant à jour, et paraît n'avoir jamais été couvert. Dans l'axe de ce monument, et à environ cent pas de distance, une porte de l'effet le plus imposant se présente à l'admiration des voyageurs : elle est ensevelie en partie sous les décombres, et construite avec des matériaux énormes.
Au travers de cette porte, on découvre le grand temple, qui forme le fond du plus magnifique des tableaux. Il serait difficile de décrire tout ce que fait exprimer de sensations diverses l'aspect de ces figures colossales d’Isis qui portent l’entablement du portique. Il semble que l'on ait été transporté tout à coup dans un lieu de féerie et d'enchantement ; on est, tout à la fois, saisi d'étonnement et d'admiration.
Ce que l'on aperçoit n’a aucun rapport avec les monuments de l'architecture des Grecs, ni avec ceux que le goût des arts de l'Europe a enfantés : et cependant, en considérant un spectacle si nouveau, l'on éprouve d'abord un sentiment de satisfaction, et l'on contemple avec avidité un édifice qui se présente sous les dehors de la magnificence la plus imposante.
La seule vue des monuments de Denderah suffirait pour dédommager des peines et des fatigues du plus pénible voyage, quand bien même on n'aurait pas l'espoir de visiter tout ce que renferme de curieux le reste de la Thébaïde.
Ce temple a excité l'admiration de l'armée qui a conquis le Sa'yd ; et c'était une chose vraiment remarquable de voir chaque soldat se détourner spontanément de sa route pour accourir à Tentyris et en contempler les magnifiques édifices. Ces braves guerriers en parlaient encore longtemps après avec enthousiasme, et quelque part que la fortune les ait conduits, ils ne les ont jamais oubliés : car les impressions que laissent dans l'âme du voyageur les monuments de Denderah ne sont pas seulement passagères et momentanées ; nous avons acquis la conviction que les idées de grandeur et de magnificence qu'elles avaient fait naître en nous étaient de nature à résister à toutes les épreuves. En effet, après avoir parcouru les antiquités de la Thébaïde, après avoir admiré tout ce que la première capitale de l'Égypte renferme de merveilles, nous avons revu les temples de Denderah avec un nouveau plaisir : non seulement la haute opinion que nous en avions conçue d'abord s'est confirmée, mais nous sommes restés convaincus qu'ils sont les plus parfaits sous le rapport de l'exécution, et qu'ils ont été construits à l'époque la plus florissante des sciences et des arts de l'Égypte.
Le temple de Denderah est encombré à l'est presque jusqu'à la hauteur des frises. Des monticules de débris, où l'on aperçoit des pans de murailles de briques tombant en ruine, semblent menacer de l’envahir tout entier. Mais ce qui présente surtout un effet très pittoresque et un contraste bien frappant, ce sont ces restes de maisons modernes qui sont comme suspendus en l'air sur les terrasses du temple. Un village arabe, composé de misérables cahutes en terre, domine le monument le plus magnifique de l'architecture égyptienne et semble placé là pour attester le triomphe de l'ignorance et de la barbarie sur les siècles de lumière qui ont élevé en Égypte les arts au plus haut degré de splendeur."
extrait de Journal et souvenirs sur l'expédition d'Égypte : 1798-1801, par Édouard de Villiers du Terrage (1780-1855), ingénieur des ponts et chaussées et archéologue français
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