statue de Ramsès II |
Il est impossible de se trouver en présence de quelqu'une de ces grandes statues et d’y rester quelque temps sans être pénétré d'une profonde émotion et sans reconnaître bientôt que cette émotion n’est pas due uniquement à la masse énorme qui vous domine et vous écrase : il y a là autre chose qu'une reproduction démesurée de la forme humaine.
On ne peut nier que les auteurs de ces prodigieuses images, guidés sans doute par leur instinct plutôt que par la réflexion, n'aient du premier coup compris les conditions de l'art spécial qu'ils inventaient. Pour exprimer la grandeur, ils n'ont pas compté uniquement sur l'ampleur des dimensions, sur le volume de la matière ; ils ont trouvé le style qui pouvait le mieux servir leurs intentions et que le goût devait plus tard adopter : ils ont recherché, avec un parti pris qui peut paraître poussé à l'extrême, la simplicité des lignes, l'étendue des surfaces. Ils n’ont pas copié textuellement la nature, ils l'ont interprétée, ils l'ont modifiée en vue de l'effet qu'ils voulaient produire. Les détails qu'ils jugeaient inutiles ou nuisibles, ils les ont supprimés sans ménagement. Ils ont sacrifié les parties à l'ensemble, la variété à l'unité ; ils ont craint de diminuer l'impression en la divisant. L'attitude la plus simple, la plus calme, la plus éloignée du mouvement et de l'action, est celle qu'ils ont donnée à leurs colosses. Ceux-ci sont le plus souvent assis, le buste droit, les jambes rapprochées, les bras collés au corps, les mains posées et allongées sur les genoux. Les os, les muscles, les veines n'apparaissent nulle part, ils ne troublent par aucune saillie, par aucune ombre, la surface unie et claire des membres, dont la forme générale a seule été respectée. Les traits du visage largement accentués, d'une régularité et d’une pureté irréprochables, n'expriment autre chose qu'une placidité impassible ; les yeux ne regardent pas ; le front sans plis, impénétrable, ne laisse rien percer de la pensée intérieure ; un sourire mystérieux se dessine vaguement sur les lèvres closes. Dans les statues debout, l'une des jambes se porte quelquefois en avant, mais c'est une pose et non un mouvement ; les bras sont pendants le long du corps, ou s'ils s’en détachent, c'est pour montrer un attribut symbolique, une croix à anse, une fleur de lotus ; parfois, particulièrement dans les statues de femmes, le bras gauche est chastement replié sur la poitrine, comme pour garder le secret du cœur. Ce style sobre, large et sévère, contribue si bien à l'expression de la grandeur, que même aux statues de dimensions médiocres il prête l'apparence colossale.
Il était inévitable que la recherche constante du même genre d'effet eût pour résultat la monotonie. Tous les colosses égyptiens se ressemblent ; si l’on n'était renseigné d'ailleurs , par des inscriptions, par des légendes, sur les personnages qu'ils représentent, on pourrait croire qu'ils reproduisent tous la même image ; un modèle unique, un type convenu, immuable en dépit de la variété des lieux et de la succession des siècles, paraît s'être imposé à leurs auteurs. Cette uniformité n'était pas, aux yeux des Égyptiens, un inconvénient. Ils cultivaient l'art, ils avaient souci du beau et ils poussaient très loin le soin de l'exécution, mais l’art n’était pas leur seul but. Une pensée supérieure, une conviction religieuse les dominait. La nature de leurs monuments, le témoignage de l'histoire et plusieurs de leurs écrits, qu'on a pu déchiffrer, en font foi. "
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.